Heureux l’homme qui peut contempler dans son télescope la beauté inaltérable des Etoiles Doubles !
Ces astres rayonnants ne connaissent aucune solitude dans l’infini des cieux. Par un attrait irrésistible, ils bondissent l’un vers l’autre, s’enlacent dans un embrasement de feu, puis desserrent leur étreinte… se détendent jusqu’aux confins de leur orbite… se reposent… avant de s’élancer à nouveau l’un vers l’autre, dans une course rapide et joyeuse. Ainsi bat le coeur de ces étoiles en un mouvement régulier et profond qui ne connaîtra pas de fin.
Certaines, très serrées, échangent au cours de leur ronde effrénée une partie de leur substance. D’autres très éloignées se regardent inlassablement pendant des millénaires, avant de se rapprocher pour échanger leur mystérieux dialogue.
Marie-Pierre Morel
La Géométrie des Étoiles Doubles
J’offre au lecteur une solution nouvelle des fameux problèmes qui n’ont cessé jusqu’à nos jours de tourmenter les astronomes à propos des « Étoiles Doubles » : le relèvement de l’orbite apparente afin d’établir l’équation du mouvement.
L’orbite apparente ne nous montre en effet que la projection de l’orbite vraie sur la sphère céleste, (exactement sur le plan tangent à la sphère céleste).
Dans le cas général, l’étoile principale occupe une position quelconque à l’intérieur de l’ellipse apparente. Si cette dernière, grâce aux mesures fournies par les observateurs est convenablement dessinée, il est possible de retrouver tous les éléments de l’orbite vraie, grâce à 4 éléments seulement.
Je n’ai pas eu connaissance que les chercheurs aient trouvé la solution géométrique rigoureuse du relèvement de l’orbite. Ils ont été découragés, je pense, par la longueur du raisonnement géométrique, et peut-être aussi par l’ambiguïté des fonctions trigonométriques inverses.
En outre l’équation du temps est restée jusqu’ici tributaire de tables préétablies, nécessairement imprécises. La détermination du temps, et par suite des coordonnées spatiales, n’était obtenue que par des méthodes de récurrence et d’approximations successives, longues et fastidieuses.
Par un raisonnement géométrique rigoureux, j’établis une relation simple, qui permettra de calculer exactement les coordonnées du compagnon sur sa trajectoire dans l’espace et le temps, et par suite les coordonnées de sa projection sur l’orbite apparente, c’est-à-dire les éphémérides.
Joseph Grumel
29 février 1984 – 17 mars 2007
Les Étoiles Doubles
Les « Etoiles Doubles », astres merveilleux ! qui mêlent leurs rayons jumeaux dans le froid et le silence des espaces. Ils percent nos nuits noires, mais nos yeux trop petits ne parviennent pas à les dédoubler. Il faut un instrument astronomique pour cela. Alors se révèlent ces astres particuliers, très attrayants, troublants pour nos esprits curieux.
Une étoile double, qu’est-ce que c’est ? Sont-elles nombreuses ? Oui, très nombreuses, puisqu’on estime que plus de la moitié des étoiles du ciel sont doubles ou multiples. Proportion impressionnante ! Alors, que se passe-t-il dans ces mondes étranges ? Un attrait, une attraction, une force irrésistible tend à unir ces corps brûlants. La gravitation a eu raison de leur solitude, de leur individualisme… Ils gravitent l’un autour de l’autre, comme la Terre autour du Soleil, ou la Lune autour de la Terre. Arrêtez ce mouvement, et la chute de l’un sur l’autre sera fatale, inexorable: spectacle éblouissant que l’on voudrait voir ! Mais les lois de Képler qui régissent ces mondes à deux en ont décidé autrement. Il est vrai que certaines, trop proches, se mangent à petit feu: la plus massive absorbe la plus légère. Danger ! Risque de nova ou de supernova ! Ces étoiles dites « symbiotiques » passionnent beaucoup les astronomes, mais elles sont rares. La grande majorité des Étoiles Doubles ont de longues périodes, s’étalant sur plusieurs années, siècles, ou millénaires. Trouver leur orbite relève de l’exploit. Attendre, attendre, qu’elles veuillent bien décrire un petit arc d’ellipse pour qu’enfin on puisse prévoir leur course et connaître leur ronde réciproque. Des hommes courageux s’occupent de cela, et uniquement de cela, pendant des nuits entières, passant d’une étoile à l’autre, accumulant les mesures, grâce à leur micromètre : appareil indispensable, muni de fils d’araignée, reliés à un comparateur. On bissecte les deux étoiles, et on mesure leur écartement respectif et leur orientation par rapport à une direction privilégiée, le Nord en l’occurrence. Travail de longue haleine. Une vie entière n’y suffit pas, dans bien des cas. La communauté astronomique réclame à cor et à cri non seulement des duplicistes – tel est leur nom – mais des générations de duplicistes.
Mesurer les étoiles doubles, quel avantage ? Immense, indispensable… Lorsqu’on connaît la période et la course de ces étoiles, on peut en déduire aussitôt leurs masses, grâce à la troisième loi de notre bon Képler. Que feraient nos astrophysiciens, s’ils étaient privés de cette connaissance fondamentale ?Rien. Strictement rien. Et le monde resterait encore une énigme.
Attention ! Toutes les étoiles doubles du ciel ne sont pas de vraies doubles. Ah, si le ciel n’était qu’une voûte étoilée, les illusions n’existeraient pas. Mais ce n’est pas le cas. Il faut aussi compter avec la profondeur de l’espace. Si bien qu’une étoile lointaine peut venir caresser, en apparence, une étoile plus proche, et vice versa. Vous la croyez double, il n’en est rien. Ces couples appelés « couples optiques » sont peu nombreux (1/10 environ). Ils sont aussi recensés parmi les Étoiles Doubles.
La profondeur de l’espace: difficulté supplémentaire, je vous l’ai dit. L’orbite que vous mesurez au cours du temps, heureux que vous êtes d’aligner vos chiffres, n’est que l’orbite apparente, celle qui apparaît sur la voûte céleste. Mais qu’en est-il de l’orbite vraie, celle qui s’inscrit dans la profondeur de l’espace. Allez retrouver sa forme, son grand axe, son excentricité ! Casse-tête chinois, que seuls les audacieux, les astronomes persévérants résolvent ; ce que l’on appelle le « relèvement de l’orbite », qu’il faut impérativement connaître, si l’on veut prévoir les éphémérides : le déplacement au cours du temps. Sujet de cet ouvrage.
Alors, où en sommes-nous aujourd’hui, dans le comput des Etoiles Doubles ? 100 000 couples sont recensés. Sur ce nombre moins d’un quart présentent un mouvement relatif. 1200 sont orbitales : leurs orbites ont été calculées ; 2 à 3 centaines seulement sont considérées comme définitives. Il reste un travail monstre sur la planche. Avis aux amateurs ! La France et le monde manquent cruellement de cette catégorie d’astronomes. Il faut relever le défi.
Parmi les Doubles bien connues, nommons : Sirius, la plus brillante du ciel, qui boucle son orbite en 50 ans. Son compagnon est malheureusement très faible, difficile à saisir. Alpha Centauri, l’étoile la plus proche de nous : petite merveille, qui gravite en 80 ans sous l’oeil amusé des observateurs. Couple facile. L’étoile polaire : là, le système est rigoureusement stable depuis qu’on l’observe. 18’’ d’angle séparent les composantes. Mizar, la seconde étoile de la queue de la Grande Ourse : 14’’, immobile elle aussi. A l’oeil nu, vous verrez un compagnon l’approcher : Alcor, le « cavalier » du cheval Mizar, qui, aux dernières nouvelles, gravite autour de lui.
Car il existe aussi des étoiles triples, quadruples… multiples, qui cependant se rangent deux par deux, sagement, pour que les Lois établies par Képler ne soient en rien contrariées. Comme Castor, système quadruple, ordonné en deux couples ; de même Mizar : l’oeil n’en voit que deux, mais le spectroscope en compte quatre, étoiles dites « spectroscopiques ». La Polaire est triple : double visuelle, la principale spectroscopique. etc…etc…
Monde splendide que ces couples enflammés, mais pour une planète qui voudrait y survivre, risque mortel ! Soumise à une danse acrobatique, l’éjection la guette… à moins que la distance ne lui serve de protection.
Le Soleil est une étoile simple, grâce à Dieu !
Marie-Pierre Morel