Traité de la Justification

L’expérience humaine universelle nous persuade que l’homme est mortel.  Si Dieu son créateur est intelligent et bon,  la chose est inacceptable: dire que la mort est naturelle, équivaut à dire que Dieu en est l’auteur. C’est pourquoi l’athéisme est plus logique que la croyance, face au problème du mal, dont le paroxysme est la disparition dans la douleur et la corruption d’une créature rationnelle.

 

Introduction

… En effet, reporter sur la Divinité la responsabilité du mal ou de l’erreur est un  blasphème intolérable à l’égard de la Sainteté du Créateur. C’est pourquoi mieux vaut renier toute idée de Dieu que d’accepter que Dieu  soit capable de se tromper ou de vouloir quelque mal que ce soit à sa créature. Mais tout homme qui raisonne saine­ment repousse l’athéisme avec horreur, puisque la position philosophique de base  de l’athéisme consiste à pré­tendre que « Celui qui est n’existe pas ».

Nous sommes donc amenés, en toute logique et conformément à la Révélation  première, à reconnaître que le mal ne procède que d’une faute ou d’une erreur de la volonté rationnelle. Les Anges et les hommes sont les seuls coupables envers eux-mêmes et justiciables devant Dieu du mal et de la mort qui sont advenus non pas par une décision ou une permission  de Dieu; mais, selon l’affirmation du livre de la Sagesse (2/23s.): par la volonté pernicieuse d’une créature rationnelle et libre:

« Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité,

« Il en a fait une image de sa propre éternité.

« Par l’envie du Diable la mort est entrée dans le monde

« Ils en font l’expérience ceux qui ont pris son parti.

Authentifiant la Révélation première des Saintes Ecritures, le magistère de l’Eglise, dès le Concile de Carthage, en 418, a précisé:

« Quiconque dit qu’Adam, le premier homme a été fait mortel,  de sorte que, qu’il ait péché ou non, il serait mort corporellement, c’est-à-dire qu’il se­rait sorti de son corps non point en punition de son péché, mais par nécessité de nature, qu’il soit anathème ».

Cette définition de la mort comme conséquence et châtiment de la transgression d’un ordre divin, est restée immuable tout au long de la tradition catholique, jusqu’à nos jours.

Voilà qui offense l’humanisme:  accuser l’homme, alourdir sa conscience par un complexe de culpabilité ! Quel outrage  à l’égard du citoyen dont on a dé­fini les Droits ! C’est pourquoi la vérité catholique reste com­battue, non seule­ment par les puissances  des Enfers, mais par les insensés qui, ataviquement, en  nombre infini, prennent le parti du Diable. Les hérétiques aussi tombent sous sa séduction, et travaillent pour lui à la corruption de la chair humaine. Toutefois quiconque accepte de réfléchir tant soit peu,  comprend aisément  que le rejet de la transgression qui le perd ramènera l’homme à l’état de plénitude et de bonheur pour lequel il reste créé, quoiqu’il n’en ait jamais fait l’expérience. En effet le bonheur demeure inaccessible à la nature dé­chue,  conçue dans la faute et conditionnée par l’errance collective; mais  il sera le fruit de la justice: c’est-à-dire, de l’application concrète de la Volonté de Dieu, con­nue par l’intelligence éclairée par la foi, et mise en pratique par une volonté libérée.

Tant  que la mort subsiste, il n’est aucun bonheur pour la créature hu­maine. Mais la justice parfaite entraînera, en raison de la véracité di­vine, l’accomplissement des promesses du Christ Sauveur et la suppression des sentences qui ont sanctionné la transgression.

Dans cette perspective le lecteur saisira l’importance d’une étude sur la Justification: question primordiale, quoique délaissée aujourd’hui.  Rares sont les hommes, surtout s’ils ont quelques habitudes religieuses, comme les Pharisiens d’autrefois, qui s’imaginent que Dieu ne peut les re­garder autrement qu’avec faveur.  Job, en effet, dans sa droiture,  n’admet pas que sa souffrance soit la conséquence d’un péché: c’est pourquoi, si longtemps, il résiste à l’argumentation théologique de ses amis qui cherchent en vain à l’amener à une  salutaire repentance. Il l’accepte enfin, en confessant que Dieu voit dans son comportement un désordre que sa conscience d’honnête homme n’a pu déceler.  Toutefois, n’ayant pas été informé de l’enseignement de Moïse, – Job est étranger à Israël – il ne peut identifier le péché, et doit subir la mort, sans en découvrir la cause profonde. Tobie de même, quoique instruit de la Loi, animé d’une piété généreuse et inlassable,  subira la sentence qui sanctionna la première et universelle transgression d’Adam: « Mourant tu mourras ». Ces hommes furent justes par leurs vertus morales, mais ils n’ont cependant pas obtenu la Justification qui procède de la foi.

Tout le problème consiste à identifier cette transgression sur laquelle pèse la terrible sentence, de manière à la rejeter définitivement, ce qui n’a jamais été fait officiellement par le Magistère de l’Eglise.

Nul ne peut nier que les saints, Pères et Docteurs,  aient atteint une certaine justice, proportionnelle à leur foi. Par l’assistance de sa grâce, les dons du Saint-Esprit,  les miracles accomplis par leurs mains, Dieu a clairement manifesté que ses serviteurs marchaient sur le sentier étroit qui conduit à la vie.  Les théologiens et les évêques du Concile de Trente qui ont promulgué la doctrine de la Justification, sont tous morts, de même que le Pape qui les a signés…  C’est pourquoi seule l’assomption, c’est-à-dire la transformation du corps terrestre en corps de gloire, est la conséquence obligée, donc la preuve,  de la Justice exacte que peut et doit ob­tenir la créature rationnelle devant Dieu, son Créateur.

A ce titre, nous sommes assurés, par le dogme défini par le Magistère, que Marie atteignit cette justice qui procède de la foi: « Heureuse es-tu parce que tu as cru aux paroles qui t’ont été dites par le Seigneur ». La Vierge Mère du Juste, en  reste le modèle concret, plus évident et plus éloquent que toute argumentation théorique. Jusqu’à nos jours la piété chrétienne  a vénéré les privilèges de Sainte Marie immaculée et toujours vierge, comme si elle était une créature exceptionnelle, admirable mais inimitable.  Cette glorification de sainte Marie, unique, si chère à nombre de prédicateurs, cache cependant une absurdité: elle laisse supposer que le Créateur du ciel et de la terre n’a voulu la pleine réussite que d’une seule de ses créatures rationnelles. C’est comme si le Directeur de la S.N.C.F.  décidait de faire dé­railler tous les trains sauf un. Il faut dire, au con­traire, en toute logique, que le Saint Couple de Nazareth a retrouvé par la foi la justice exacte, en vertu de laquelle il a obtenu la faveur divine; et que cette justice sera  rendue à quiconque partagera la même foi, conforme  au Dessein immuable que la Sainte Trinité a formé dès avant la création du monde sur la créature humaine, achèvement de son ouvrage.

Nous sommes invités ainsi à concevoir que la puissance des ténèbres reste énorme, redoutable et universelle, puisque, malgré la Loi et les Prophètes, malgré la manifestation de la pleine Justice en Israël par la génération du Christ-Sauveur, la conscience humaine n’a même pas entrevu  la hauteur ni la simplicité des enseignements divins. Cependant le Royaume de Dieu comme Père ne saurait advenir autre­ment que par une repentance intelligente, à laquelle nous devons accéder.

C’est pourquoi, en tenant le plus grand compte de ce qui fut défini comme explication des Saintes Lettres par le Magistère infaillible de l’Eglise, il nous faut dé­couvrir ce qui a manqué, et clarifier ce qui reste obscur dans ce texte si important qu’est le Décret du Concile de Trente sur la Justification. Nous espérons ainsi parvenir à préciser ce que sera  la justification véritable de la créature humaine aux yeux de son Créateur. Dès lors seront supprimées les sentences portées sur la transgression originelle et universelle, puisqu’en la dénonçant clairement nous pourrons la rejeter sans aucune ambiguïté.

La Terreur Théologique en ce temps là…

Le Concile de Trente s’est déroulé dans la situation pénible déclenchée au dé­but du 16è.S. (1517) par la révolte de Luther. Ce moine augustin  ébranla, comme chacun sait, la chrétienté vieillissante  parce qu’il exprimait, par sa prédication et ses écrits, le malaise général de l’Eglise. Il s’est fait le porte-parole du désarroi et de la terreur, qui, malgré les rites, les sacrements, les règlements monastiques, les commandements de l’Eglise, enserraient la conscience morale dans le filet infrangible du péché mortel: péché terrifiant puisque sanctionné, suivant la théologie en vigueur, par la damnation éternelle.

Cette issue fatale de la destinée humaine, inspirée d’une lecture erronée de certains textes sacrés, accablait les nouveaux-nés morts sans baptême, et tout agonisant quittant ce monde sans avoir reçu l’Extrême-Onction.  Entre l’éveil de la raison et le gâtisme de la vieillesse, tout chrétien tremblait devant l’inexorable jugement de Dieu, qui par avance, avait appelé quelques élus arrachés par son libre choix au feu éternel où la chair humaine serait un jour  consumée et l’âme torturée. Cette perspective poussait les pieux fidèles vers une ascèse héroïque, les libertins vers une débauche désespérée.  Seul le bon sens de quelques curés de campagne jetait à la poubelle ces divagations d’intellectuels fatigués de la scholastique, qui hantaient les cloîtres lugubres et que vomissait le pédantisme des facultés. Restaient les médailles, les pèlerinages, les reliques, l’eau bénite, les indulgences,  la récitation de prières prescrites, les confréries pieuses, les aumônes qui couvrent une multitude de péchés, les jeûnes de l’avent, des quatre-temps, du carême: autant de nacelles de se­cours pour les naufragés de la perte de l’état de grâce…

Les religieux surtout, sous le froc qui voilait pudiquement la honte qu’inspire la nudité, souffraient de ne pouvoir atteindre l’idéal impossible de la continence stoïcienne, malgré les clôtures hermétiques, l’ascétisme obstiné, les macérations, les cilices, les fouets… Réprimer la chair,  quel combat ! … Eteindre la funeste concupiscence, quelle victoire !… Le plaisir sexuel, source de tous les vices, obsédait aussi bien le soli­taire que le cénobite, nuit et jour, comme l’étincelle qui allume les brasiers de l’enfer. Ce moine augustin, Luther, d’un tempérament libidineux, fut la marmite où bouillonna cette soupe indigeste de scrupules, d’angoisses, de terreurs, de cauchemars, que l’imagination provoque sous le poids d’une religion inspirée par la peur et la honte: cette honte désolante  qu’Adam camoufla sous un pagne et que les chrétiens voilent sous l’habit religieux. Qui ne voit que la psychologie mal­saine issue du péché, toujours la même, interdit l’accès à la nudité libératrice du paradis ? « J’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché… »

Qui prenait garde alors à la parole du Seigneur Jésus: « Rendez l’arbre bon et son fruit sera bon » ? Et à cette autre: « La lampe de ton corps c’est ton oeil… Si ton oeil est simple, ton corps sera lumineux comme une lampe qui t’éclaire de son éclat » ? Tout au contraire, en vertu d’une « philosophie » qui n’était que ténèbres, le corps était plus vil qu’une loque, et personne ne comprenait pour­quoi, afin de sauver l’âme immortelle de la damnation, le Verbe de Dieu s’était fait chair… Telle fut la logique de Calvin, qui, dans son « Institution Chrétienne » interdit toute liturgie sensible, autre que le prêche par lequel l’âme rationnelle est informée de la vérité.

N’y tenant plus de lutter contre une concupiscence incoercible,   désespéré de pouvoir jamais gagner la maîtrise de soi conforme au voeu de chasteté, Luther crut triompher de ses propres angoisses par un acte de foi inconditionnel en la miséricorde de Dieu. A quoi bon  ces observances ridicules, ces « traditions humaines » dans lesquelles l’Eglise était empêtrée ? La foi seule suffit, puisque c’est à la foi qu’est attachée la justification, et non point aux oeuvres mortes de la loi…  Paul s’élevait, avec quelle véhémence, contre la circoncision,  et les coutumes serviles des Juifs… à combien plus forte raison  fallait-il délivrer les chrétiens d’une chape de rites et de préceptes qui n’avaient aucun fondement dans les Ecritures !

Telle fut l’audace libératrice de Luther. Elle ne porta pas le fruit es­compté. Tout au contraire. Le « Pecca fortiter sed crede fortius » trans­forma Wittenberg en Sodome, Münster en bacchanale hystérique, les plaines d’Allemagne en champs de bataille. Pour éviter les flammes de l’Enfer il fallut allumer les incendies des châteaux, des églises, des monastères, frémir au crépite­ment des bûchers.  Etait-il donc si fragile l’équilibre fastueux de la chrétienté  pour qu’il s’écroulât  sous l’impulsion sexuelle d’un moine agressif qui se trouvait mal dans sa peau ?

Aujourd’hui… La confusion érigée en Loi

La situation de l’Europe s’est dégradée: les guerres nationales et civiles  ont anéanti la chrétienté. L’histoire a progressé sous des régimes de terreur sanglante, polices, armées, arsenaux… choses horribles où les nations naguère baptisées ont placé  leur espérance de survie, jusqu’à la bombe nucléaire. Dans l’Eglise la doctrine du libre examen a détruit l’autorité de la Révélation objective. Impossible de se référer aux théorèmes immuables des Saintes Lettres. Quel est le théologien agréé qui enseigne sans hésitation une vérité de Foi ? Y a-t-il encore une Vérité ? La profession chrétienne s’est abâtardie dans un oecuménisme sans relief et sans cou­leur. Il suffit d’être solidaire (de qui ?), responsable, (de quoi ?)  affilié, au moins de tendance, au socialisme inter­national, sous l’égide duquel la planète doit être prochainement pacifiée… L’invocation des Droits de l’Homme s’est substituée à toute ado­ration de Dieu et remplace ses commandements. La relativité générale a détruit la droiture intellectuelle, par la­quelle les savants s’efforçaient de « philosopher honnêtement » – selon le mot de Képler – pour com­prendre ce qu’ils disaient et dire ce qu’ils comprenaient. Le proverbe « A chacun sa vérité » signifie que chacun peut pro­fesser l’erreur qui lui plaît selon ses convoitises personnelles. Il suffit  d’être tolérant – jusqu’au fanatisme, s’il le faut – à l’égard des superstitions les plus  stupides, des idolâtries les plus  venimeuses.

Dans ces conditions  psychologiques actuelles, où les cerveaux sont cancérisés par les images de la télévision mondiale, une étude sur la Justification  paraîtra totalement anachronique, voire ridicule. Quel est le citoyen démocrate qui se préoccupe d’être agréable aux yeux  de son Créateur ? Fruit hasardeux de l’évolution millénaire, il est assuré que l’oursin l’a engendré, et que son arrière grand-mère fut une guenon. L’absence de piété a laissé libre cours aux trompe­ries diaboliques. Elles ont accaparé les restes de sentiment religieux pour écraser sous leur tyrannie sanguinaire des peuples immenses: tels les Arabes courbés sous Allah, tels les Slaves traînés sous les portraits géants de Lénine et de Marx. Ces « religions » absurdes ont disqualifié l’idée de la divinité et surtout la Sainteté de Celui qui, de rien, a créé le ciel et la terre. Aux oreilles de nos contemporains, bourdonnantes de charabia poli­tique et de chansons obscènes, il devient insupportable le discours de la foi qui enseigne que Dieu nous a laissé la Révélation de la Vérité, inscrite dans l’histoire des hommes.

La Question reste posée…

Tous  cependant, de quelque nation qu’ils fussent, pourvu  qu’ils aient gardé un minimum de conscience, furent interpellés par la Divinité créatrice et providentielle. Qui ne s’est posé la question: « Suis-je,…  sommes-nous dans la faveur des dieux ? » C’est précisément pour obtenir cette faveur, qui n’était pas une donnée de la nature, – comme l’atteste si bien Pline l’Ancien dans un texte mémorable – que le rite sacrificiel restait observé comme une institution immuable dans son principe, quoique très variée dans ses formes. Les Israélites qui eurent l’avantage, parmi tous les peuples, de « connaître les jugements de Yahvé », ont su que le vrai Dieu leur serait favorable à condition qu’ils observassent les prescriptions de sa loi. Toutefois les malheurs de la race choisie fu­rent tels, que chaque génération fit l’expérience de l’indignation divine et de son bras vengeur frappant du haut du ciel. Même dans les périodes de prospérité, lorsque l’aire regorgeait de froment, les pressoirs d’huile et de vin, la longévité des vieillards remplis de sagesse ne dépassait guère quatre-vingts ans… C’est pourquoi le psaume de Moïse, qui, à lui seul, contient l’esprit de l’Ancien Testament, invite celui qui le chante, à méditer sur la condition mortelle de la créature humaine:

 « Les fils d’Adam… un songe au matin…

Ils sont pareils à l’herbe qui pousse:

Le matin, elle pousse, elle fleurit,

Le soir, elle sèche et se flétrit…

Par ta colère, nous sommes consumés,

et par ta fureur épouvantés:

Tu as mis nos torts devant toi,

nos secrets sous l’éclat de ta Face…

Sous ton courroux tous nos jours déclinent,

Nous consommons nos années comme un soupir…

Qui aura su l’ardeur de ta colère, et craint la véhémence de ton courroux ?

Tant que la mort frappe, assurément, la Loi de Yahvé n’est pas mise en pratique.

Quelle Loi ? Une loi rituelle ?  ou la Loi Naturelle ?

La même question se pose après les siècles de l’Eglise. Les saints qui ont mis en pratique les préceptes évangéliques, le plus souvent avec un héroïsme surhumain, sont morts, mieux sans doute, mais tout autant que les libertins, les incrédules et les sacrilèges….  Serait-ce que la loi que le Christ avait portée à sa perfection dans le Sermon sur la Montagne, ne suffit pas à justifier la créature humaine aux yeux de son Créateur ?

De nos jours il n’est plus question, semble-t-il, de revenir au problème de la justification, puisque la théologie qui s’impose presque par­tout  renie l’historicité de Moïse et son autorité au profit de l’Evolution. La mort reste enseignée comme na­turelle. Fou qui prétendrait accorder aux promesses du Christ une valeur directe et ob­jective, lorsqu’il déclarait sous la forme du serment:

 « En vérité, en vérité,je vous le dis, celui qui garde ma parole ne verra jamais la mort »  (Jn. 8/51)

Les premiers auditeurs prirent des pierres pour lapider leur Sauveur.  Cette promesse, comme le récit du péché originel, est reléguée dans les oubliettes des mythes.

 Du temps de Luther, la Théologie officielle lais­sait encore quelque espérance aux chrétiens, aujourd’hui le désespoir ne peut être vaincu ni par le divertissement, ni par la chimiothérapie, ni par la politique mondiale… L’Enfer n’est plus une hypothèse de survie malheureuse pour le pécheur, il est une réalité terrestre étouffante et quasi générale.  Nous récoltons le résultat du rejet du Christianisme par l’iniquité du siècle.  Il est vrai que la foi chrétienne n’a pas répondu clairement aux deux questions les plus importantes que tout homme conscient de lui-même se pose:

 –  Quel fut l’acte de péché qui m’a condamné à mort ?

 –  Quel sera l’acte de foi qui me justifiera aux yeux de Dieu ?

Les Approximations du Concile de Trente

Elles sont précieuses, comme des rails pour nous conduire à la Vérité. Tel est en effet le décret sur le péché originel, où nous apprenons qu’il fut le fait du premier couple humain: transgression de la loi de Dieu, offense à sa Majesté, détérioration de la nature, cause de la mort, et éventuellement de la damnation. Nous apprenons qu’il se transmet aux hommes non point par imitation ou influence, mais par voie de génération, et que les nouveaux-nés innocents l’ont contracté dès leur conception…  Puis, dans le décret sur la Justification: l’Eglise a rejeté les divagations de Luther; mais elle a authentifié la thèse fondamentale du réformateur. Aucune pratique religieuse, quelle qu’elle soit, ne saurait justifier la créature humaine aux yeux de son Créateur; mais bien la foi, puisque l’Ecriture le dit.

Les Pères de Trente, déjà, pouvaient « juger l’arbre à ses fruits. »  Ils ont mis sous l’anathème les distorsions de la doctrine en rai­son des conséquences déplorables d’un principe qui devint une torche incendiaire plutôt qu’une lumière qui troue les ténèbres. Le Magistère a manifesté son intelligence et sa bonté: il a maintenu le principe fonda­mental que les réformés mettaient en évidence. Il a réprouvé les applications fu­nestes qu’ils en tiraient. Cependant, ni les luthériens, ni les calvinistes, ni les innombrables sectaires, qui ont tant varié dans leurs églises dis­lo­quées, ne sont revenus à l’unité de la foi catholique. Fanatisme ? Intolérance ? Sans doute, mais aussi lacunes d’une explication théologique incomplète, qui n’a discerné ni la vraie cause du mal, ni l’acte de foi précis qui obtient la faveur du Créateur, c’est-à-dire la Justification.

Il faut donc lire attentivement le texte officiel du Concile et le recevoir tel qu’il est écrit en toute obéissance. A partir de là il devient possible de montrer ce qu’il aurait fallu préciser et ajouter…. Est-il trop tard pour le faire ? Non pas. Car les pères de ce fameux Concile l’auraient fait, sans aucun doute, s’ils avaient pu ti­rer de l’Ecriture et de la Tradition la lumière divine que l’Eglise cherche encore aujourd’hui.

Le Théorème Fondamental de la Révélation

 Le mot « théorème », signifie « parole de Dieu ». Tel qu’il est rapporté dans le livre de Moïse, il nous apprend que l’homme a été créé dans un état de justice et de sainteté, comme achèvement de l’univers. « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, et tout était très bon » (Gen.1/31). Dieu entre alors dans son repos: parce qu’il a pu mettre son image et sa ressemblance dans une créature rationnelle, qui pourra participer à son bonheur et à sa vie incorruptibles. L’Eglise professe comme une vérité de foi que l’homme fut établi dans la Justice et la Sainteté, muni de la Révélation. Son cerveau n’était pas « vide », mais programmé, par une information de connaissances infuses, pouvant s’exprimer par un langage adéquat. De fait, les langues les plus anciennes sont aussi les plus perfectionnées et les plus nuancées, tant par leur vocabulaire que par leur grammaire.

 

Adam n’avait donc pas à être justifié, puisqu’il était juste: son état premier correspondait adéquatement à la Pensée de son Créateur.

 

Mais il a perdu cette justice et cette sainteté en transgressant la Loi Spécifique que Dieu lui avait prescrite, loi qui devait assurer son bonheur et son im­mortalité.  C’est ce que raconte le texte de Moïse: ce chapitre 3 de la Genèse: parabole historique tellement saisissante qu’elle ne peut être oubliée par quiconque en a entendu la lecture ne serait-ce qu’une seule fois. Texte capital, dont la signification devient éblouissante de clarté et d’évidence, lorsque la Sainte Génération du Christ nous manifeste ce que nous avons perdu par la faute. C’est le sens de l’hymne que la Liturgie chante en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie:

 « Quod Aeva tristis abstulit tu reddis almo germine.

« Ce dont Eve, la triste, nous avait privés, tu nous le rends par ton germe sacré.

 Il faut avoir une idée exacte de notre état de créature pécheresse et déchue pour saisir la nécessité où nous sommes de recevoir par grâce la justification aux yeux de Dieu. C’est pourquoi il nous a paru indispensable de suivre attentivement le  Décret du  Concile de Trente sur le péché originel, avant d’exposer celui qui traite de la Justification.