Paradis Terrestre

« Les disciples dirent à Jésus : « Dis-nous, comment sera notre fin ?
« Jésus dit : « Avez-vous donc dévoilé le commencement,
« pour que vous m’interrogiez sur la fin  ?
« Car où est le commencement là sera la fin.
« Heureux celui qui atteindra le commencement,
« Il connaîtra la fin, et ne goûtera pas la mort. »

Évangile de Saint Thomas, Log. 19)   

Invitation au Lecteur 

Le Paradis Terrestre n’est pas aussi perdu qu’on le croit.

La Parole de Dieu peut toujours nous y introduire.

Prends donc la Bible, et mets-toi au travail.

Lis avec soin les références aux Saintes Ecritures:

Vois que Dieu ne nous a pas trompés !

Introduction à l’ouvrage

L’Énigme Fondamentale

 Le sphinx interroge toujours:  « Pourquoi l’homme est-il mortel ? » La science la plus poussée du XXème S. ne saurait répondre, pas davantage que les Sages de l’Ancienne Egypte. Il n’y a aucune explication scientifique du vieillissement et de la mort.[2]

Non loin de Paris, il existe un musée: une chapelle commémorative de la guerre de 1870, sur les lieux où se déroula une sanglante bataille.[3] Une crypte accueille le visiteur. A droite, un sarcophage: celui d’un général qui, dit-on, fut un héros, puis un saint.  Sa chair ne s’est pas corrompue. Il repose sous une image du Labarum de Constantin: « In hoc signo vinces »: « Par ce signe tu vaincras. » Ce signe ? – La Croix.  Tu vaincras ? Mais de quelle victoire ? – Horrible victoire ! Une vitrine attenante à ce sarcophage, dans cette cryptefroide et sinistre,  présente avec une impudicité funèbre un entassement de milliers de crânes.

Est-ce là la victoire que le Christ promettait par la Croix ?

Voici la Toussaint: l’automne, la chute des feuilles, la pluie de novembre. La baisse du soleil et de la température explique-t-elle la ruée vers les tombes ?  Même le P.D.G. chargé d’affaires, le joueur insensé essaient de se souvenir. On achète un chrysanthème. On vient le déposer au-dessus de la corruption cadavérique d’un corps… Les cloches joyeuses, insolentes presque, appellent les chrétiens à la fête des vivants, qui, dit-on, se sont envolés dans un au-delà énigmatique… Que suggère ce vieux rite ?… Une vague à l’âme ? Une nausée ?  Une angoisse ? Un désir oublié ? Un amour perdu ? Qu’est-ce donc qui pousse les civilisés modernes à ces gestes immémoriaux ?…

Les vêpres de la Toussaint ferment un cycle: celui du printemps et de l’été: celui de l’espérance. Aussitôt après avoir déposé le vert et le blanc, le prêtre s’habille de noir, et la victoire de la mort trouve plus d’oreilles attentives que les promesses de résurrection et de vie.  Les foules se pressent à l’office des morts, aux sépultures, aux services funèbres. Elles désertent la veillée pascale. Il est vrai que l’on a tellement l’habitude de la mort ! On ne tremble plus devant la fosse, mais quelle terreur si un mort reprenait vie ! Paul disait : « Mort, où est ta victoire ? » voici bientôt deux mille ans. Ne serions-nous pas en droit de dire:  « Résurrection, où est ta victoire ? »[4] Il semble que les prêtres du Christ aient eux-mêmes désespéré de la Rédemption, qui, cependant, est entre leurs mains. Ils portent le deuil,[5] alors que tout au long de l’année liturgique, ils proclament que leur Chef est ressuscité.  Le noir, pour les prêtres annonciateurs de la vie ?

Le clergé est allié aux pompes funèbres, et celles-ci servantes de la corruption.[6] Le Diable orchestre son oeuvre avec des fleurs, de la musique, des défilés. Il rend les larmes sinon agréables, du moins supportables. Il suffit que les conventions soient observées, et la mort ne pose plus de problème.  Un peu de dentelle autour du cadavre, un cercueil confortable, et, pourquoi pas ? climatisé; un encensoir, un chantre et des chandelles, un surplis et une barrette, derrière un gibus et une redingote, et voilà notre mort content: enseveli selon les règles. [7] De quoi les vivants viendraient-ils se plaindre ? Les gerbes, les couronnes ont coûté des fortunes: ne masquent-elles pas suffisamment le visage décharné,  l’horreur du squelette ? Fleuristes, sacristains, tailleurs de pierre et de vêtements,  teinturiers, fossoyeurs… Pourquoi voudrait-on reposer la question de la mort, puisqu’il faut faire de la place pour les jeunes? En définitive, la mort est une industrie et un commerce puisqu’elle est une nécessité. Le cadavre est une source incomparable de revenus.

L’ordonnateur des pompes funèbres a toujours le dernier mot. Mais, avant lui, que de palabres !  Les médecins ont joué le dernier acte, juste avant la tombée du rideau. Dans ces antichambres des cimetières, que l’on appelle les hôpitaux, cliniques, asiles, centres hospitaliers, que de problèmes ! Que de discussions, que de recherches, sur le cerveau, le foie, la rate, la circulation, la digestion, le rhumatisme, la phtisie, le cancer… Le pauvre mort, avant de rendre le dernier soupir, a vu ses membres progressivement dévorés par les scalpels, les bistouris, les scies, les trépans… Il l’a vue, sa chair, dolente, meurtrie, couverte d’escarres, transpercée d’aiguilles. Il l’a sentie, – ou non –  profondément désorganisée dans son équilibre interne par l’action nocive d’un nombre  incalculable d’unité de poisons divers et de contre-poisons.  Est-il terrifiant autant aujourd’hui qu’autrefois,  de tomber entre les mains de la médecine ? [8] Ses armes scientifiques, depuis le projecteur de neutrons jusqu’au bistouri électrique, qui veulent lutter contre la mort, atteignent aussi ce qui reste de vie.  On redoute l’échéance, on trompe le mal, c’est-à-dire, on se trompe sur le mal.  On fait ingurgiter au malade un comprimé: il ne sentira plus sa douleur… Le prêtre ? – Au dernier moment. Quand le moribond aura perdu connaissance. Pourquoi l’effrayer par l’homme en noir, qui, malgré son sacrement, n’arrêtera pas le processus de l’agonie.[9] La compassion, oui, par des fleurs, des fruits, un sourire, un souhait de bonne nuit pour le mourant torturé de fièvre. Les héritiers se rassemblent déjà, onctueux, pour recueillir le magot et le dernier soupir.

 La mort a-t-elle perdu son horreur, maintenant qu’on la traite scientifiquement ? N’est-elle pas douce et désirable, puisqu’on la provoque à grands frais, et qu’on en fait une propagande universelle ?  Chaque jour les écrans de télévisions étalent les dernières armes, leurs profilés de requins, leur puissance de feu, leur progression en tout terrain, leur survol des continents; l’acier, le cuivre, le nickel, le titane, les métaux les plus précieux, l’or, l’argent, l’uranium, participent à la liturgie de la guerre et du carnage, avec l’appui de la haute finance supra-nationale, pour la destruction du genre humain. Les plus grands cerveaux, les génies inégalables du calcul et du savoir sont captés dans le tourbillon vertigineux du bal funèbre: ils élaborent la bombe. Quel est le peuple sous-évolué qui n’a pas encore sa bombe ?  Le public, devenu stupide ou inconscient écoute sans sourciller, que dis-je ?, il acclame, il vote « OUI », il ovationne les chefs d’Etat monstrueux qui lancent ce cri de triomphe: « J’ai ma bombe ! »

Que de sueurs, que de travail, que de risques, que de victimes pour fabriquer cette oeuvre de mort ! La bombe exige d’immenses usines, dévore des millions de kilowatts, embauche des milliers d’esclaves, impose d’infinies précautions,  réclame des impôts énormes. Pour remporter quelle victoire ? Celle de la mort.

Et Saint Paul osait dire dans sa foi en la Résurrection du Seigneur: « O mort, où est ta victoire ? » Il a parlé un peu vite…

Il ne prévoyait pas, lui, le prophète,  que les chrétiens, autrefois intrépides devant l’Empereur sanguinaire, inébranlables dans la loi de l’amour,  deviendraient un jour apôtres de la légitime défense,[10] promoteurs de la guerre préventive, meurtriers du genre humain ! N’est-ce pas en terre chrétienne, ensemencée par l’Evangile, abreuvée par le sang des martyrs, que sont élaborés les armes nucléaires et les plans d’extermination ?

Où est-il le message du Saint Evangile ?  Qui écoute l’avertissement du Seigneur: « Tous ceux qui tireront l’épée périront par l’épée » ? [11] Pierre, à ce mot lâcha son glaive sanglant, recula, couvert de honte.  L’Agneau le transperçait de son regard.  Mais les successeurs de saint Pierre ?  Pontifes à cheval, évêques bardés de fer, prêtres soldats ? Prêtres officiers, non contents de tuer, mais d’en donner l’ordre et de diriger la bataille ?  N’a-t-on pas vu des ecclésiastiques déguisés en caporaux, asservis au règlement militaire, mais insoumis au Droit Canon, [12] célébrer la Sainte Messe sur des caisses de munitions, et donner le Corps précieux du Christ à ces assassins bien dressés que l’on appelle des soldats d’élite, prêts à la fureur du combat ?  Qui ne frémit devant une telle aberration ?  Comment fut-elle possible ?  Qui a fléchi le genou devant les hommes, et leurs traditions, qui annulent le commandement de Dieu ? [13]

Nos pères dans la foi ont donné leur vie, préférant la mort au mensonge et à la violence. Les héros modernes, tous chrétiens, ont vendu chèrement leur peau, oublieux de la vérité et de l’amour, trompés par le père du mensonge, homicide dès l’origine. [14]

Il ne faut donc pas s’étonner, dans une telle obscurité de la conscience humaine, si les promesses du Christ ne sont pas encore accomplies:

 « Celui qui garde ma parole ne verra jamais la mort ».[15]

Tel est le texte, répété à maintes reprises dans saint Jean: « De même que le Père m’a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi…  » « Celui qui mange ma chair et boit mon sang aura la vie en lui…  » « Je suis la résurrection et la vie, celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais… « [16]

Telles sont les paroles divines, tombée des lèvres de Notre Seigneur Jésus-Christ, duFils de l’homme, né de la Vierge Immaculée.

Que signifient-elles ? Comment faut-il les interpréter ? Faut-il les entendre exactement pour ce qu’elles sont, malgré leur caractère abrupt et leur non-réalisation évidente ? Car enfin, que d’hommes ont suivi le Seigneur, lui ont donné leur vie,  ont ajouté foi à l’Evangile,  s’en sont faits les hérauts et les défenseurs ! Certains ne sont pas morts, mais ont été tués: ce qui est très différent.  Mais voyons les confesseurs et les vierges, les pères et les docteurs, les moines et les ermites: autant de serviteurs, qui pour avoir été « inutiles » [17] furent néanmoins trouvés fidèles.[18] Ils ont accompli ce qui leur était possible en leur temps, héroïques dans leurs vertus et leurs travaux.  Ils sont morts, leurs tombeaux sont encore parmi nous. Leur sépulcre et leurs reliques attestent qu’ils ont subi le sort commun, et, qu’en définitive, le bon larron sur la croix, ouvrier de la vingt-quatrième heure, a été plus heureux qu’eux.[19]

Faut-il encore revenir à la pensée grecque qui voyait en l’homme un composé de matière et d’esprit, un être bâti en porte-à-faux, sur deux principes contradictoires, la mort n’étant en définitive, que le retour de l’esprit dans  son « espace vital »?  La construction matérielle des êtres apparaît alors comme une vaste comédie, où tout est illusoire. [20] Nulle serait alors la création charnelle, obscure la matière, et surtout la matière vivante…[21] qui n’existe que pour flétrir et pour disparaître.  Les Grecs auraient-ils raison, à la suite de leur réflexion philosophique, en affirmant qu’il est aussi naturel à l’homme de mourir qu’aux dieux d’être immortels ? [22]

Ou bien, au contraire, faut-il tenir fermement la pensée biblique, si paradoxale, contraire à notre expérience, mais exprimée si fortement, si audacieusement, par Saint Paul: « La mort est le salaire du péché » ? Qu’est-ce à dire ?  Il ne serait pas « naturel » pour l’homme de mourir. Est-ce là la direction de l’Ecriture ?  L’indication de l’Esprit-Saint ? Assurément: le livre de la Sagesse le déclare:

« C’est par l’envie du Diable que la mort est entrée dans le monde,

« Dieu a créé l’homme incorruptible:

« il en a fait une image de sa propre nature. » [23]

 « Tu meurs, ô homme, accuse ta faute ! » Le Livre accable-t-il ou libère-t-il l’homme par cette sentence ?  Il est très humiliant pour l’homme de s’accuser, mais quoi ! la mort est là ! Il faut bien faire le pas: passer de  l’évidence de la mort à celle du péché. Si la mort est là, c’est qu’elle est survenue comme un accident, elle n’est pas naturelle à l’homme, elle est le fruit d’une option, d’un style de vie, d’un libre choix. Et pourtant l’homme n’est-il pas, en général, « de bonne volonté » ?  Peut-on dire qu’il choisit librement la mort ? Est-il, malgré lui, entraîné dans un processus biologique qui n’est pas pour lui et qui dégrade progressivement ses humeurs, ses organes, sa psychologie,  de sorte qu’apparaît la vieillesse, la décrépitude, la maladie et la mort ?  Y a-t-il une faute collective dont chacun est à la fois victime et responsable ?  Mais, alors, quel est donc ce « péché ?  Quelle est cette « faute » ? Quelle est cette « erreur » ?  Que certains l’appellent actuelle ou originelle,  vénielle ou mortelle,  n’est-il pas du plus haut intérêt de la découvrir et de la dénoncer afin de l’éviter ?

L’homme n’est donc pas aussi accablé qu’on peut le croire par  l’accusation de la condamnation divine: « Tu meurs, ô homme, parce que tu as péché. » Il est plutôt remis, par son Créateur et Législateur sur la piste du Salut, sur la route de la vie. Si Dieu accuse, ce n’est pas pour la confusion de l’homme, mais pour sa libération. Si la main de Dieu s’est lourdement appesantie sur les immenses cimetières, les hôpitaux fétides, les asiles désolés, les maternités douloureuses, et finalement sur toutes les maisons des hommes, qu’elles soient chaumières ou buildings, c’est pour nous contraindre à réfléchir, à retrouver, à la lumière des enseignements divins, qui persistent toujours, la voie de la vie. [24]

Si la mort était naturelle à l’homme, la Rédemption n’aurait plus d’objet. Qu’est-ce, en effet, que la « Rédemption » ? Non pas ce qu’un « vain peuple pense » à la suite de la pensée grecque, manichéenne et dualiste, infiltrée jusque dans l’interprétation des Ecritures: [25] l’immortalité de l’âme, et quelque survie fantômatique, se manifestant incidemment, ici et là, autour des tables tournantes, à travers les visions des cartomanciennes. La Rédemption n’est autre que la suppression de la mort. Comment donc ?  « Quel est l’homme, dit le psaume, qui ne verra jamais la mort, et gardera sa vie du piège de la fosse ? » Le psalmiste posait une question, le Christ y répond: « Celui qui vit et croit en moi ».[26]

Suppression de la mort, certes, et de la corruption, mais non pas éternité vécue dans l’étroite limite de nos corps actuels ! L’achèvement de la Rédemption n’est autre que l’assomption de la chair, le passage du corps terrestre au corps de gloire, sans l’humiliation du tombeau, sans la déchéance de la corruption. Dieu, certes, ressuscitera les morts à la fin des temps. Mais il lui est plus facile, si l’on peut dire, d’empêcher les vivants de mourir. Pour qu’il puisse manifester la résurrection des morts, il attend que les vivants passent de la mort à la vie.

Que les vivants passent de la mort à la vie ? Qu’est-ce à dire ? – Que la Terre ait porté son fruit. [27] Quel est ce fruit ? – Un fruit « qui demeure en vie éternelle. »[28] Comment cela ? Parce que les justes qui seront sur la Terre auront pour eux-mêmes et leurs contemporains – ceux du moins qui voudront les entendre et les suivre – triomphé  de la mort et obtenu ce merveilleux « passage »,[29] que Marie, la première, connut à l’aurore de l’Eglise, comme « la brillante étoile du matin ». [30]

« Déjà la mort n’est plus » [31]   chantaient les premiers disciples du Seigneur. Serait-il possible d’entonner à nouveau ce cantique, et de découvrir l’amour qui empêche la mort,[32] cet amour enfoui sous les alluvions du paganisme, pâte froide, que le levain n’a pu ni réchauffer ni soulever ? [33] Serait-il possible de renverser les tabous de la conscience humaine, plus lourds que les montagnes ? [34]  Serait-il possible de dépouiller les idoles des royaumes de la terre de leur masque doucereux et cruel ? Elles consolent sans guérir, elles tranquillisent en invitant aux abîmes. Quelle sera leur réaction ? Leurs esclaves combattront pour elles avant d’être par elles dévorés. Quelle lutte nous faudra-t-il soutenir pour arracher les hommes à leur enivrante euthanasie, à leur soif de carnage, à leur fureur de pulluler pour flétrir et pourrir ?  

A Lourdes, l’eau miraculeuse coule, le Corps du Christ est porté en triomphe, les invocations trouent les nuages, les cris, les pleurs, les prières assiègent la voûte des cieux. Des femmes, accablées de tristesse, portent à bout de bras les rejetons misérables de leurs entrailles déchirées, débiles, sourds, aveugles… Sur l’immense esplanade, on aligne chaque jour de civières chargées d’infirmes: perclus, rendus, agonisants…

 

« Seigneur, si vous le voulez, vous pouvez me guérir ! »

Et le Seigneur ne guérit personne.

« O Marie, guérissez nos malades… « 

Et Marie, la Mère des miséricordes,  la Mère de toute compassion,  elle qui obtint ce vin inutile dans une noce de Galilée, par un simple sourire, et après un refus,[35] ne répond pas. Serait-elle indifférente, impassible devant tant de misères ? Les malades restent malades, les trains spéciaux qui les ont amenés les remmènent… à part quelques rares exceptions…. rarissimes, par rapport à la multitude des suppliants.

Les pèlerins attendent le miracle, certains le réclament, l’exigent.  Et le miracle ne vient pas ! Scandale qu’il y en ait si peu ! Cette absence est autrement significative que le boiteux qui se lève ! De quoi s’agit-il donc ?  Il est dit dans les Ecritures que le Christ, du moins à certains époques de son ministère, multipliait les guérisons. [36] De même les Apôtres: [37]  « Les démons leur étaient soumis au nom de Jésus. » On amenait les malades sur les places, et l’ombre de saint Pierre, elle seule, les réveillait, les dressait sur leurs pieds. Aujourd’hui, plus rien. Les prélats défilent, resplendissants, plus personne ne bouge. Les Pères du Désert, dit l’histoire, accomplissaient des prodiges sans nombre. Les apôtres des Gaules  persuadaient les barbares par leur empire sur la création de Dieu. Aujourd’hui, plus rien. Il faut comprendre le silence du Ciel.

La France « fille ainée de l’Eglise », ou « pays de mission » ?… L’Evangélisation, ou la « déchristianisation » ?…Que se passe-t-il donc ?…

 L’explication est dans le contraste, que tous voient, que tous regardent, dont certains ont peur, dont personne ne tient compte. Lourdes: deux générations: celle de Jésus par Marie; Marie immaculée présente son Fils au monde, triomphante, radieuse, elle rit, encore toute imprégnée de cet Enfantement dans la joie et l’allégresse que les Anges vinrent chanter sur la terre: « Voici, dit-elle, le fruit de mon ventre. » C’est Jésus-Christ, plein de grâce et de vérité. Et l’autre génération: celle des femmes de la terre, qui défilent à Lourdes avec une progéniture accablante: « le malheur innocent ». La voici bien cette « génération adultère et pécheresse »[38]   avec ses misères mises au grand jour, étalées à la lumière aveuglante de la foi ! Une humanité grouille, vêtue d’oripeaux, de linge sale, de peaux de bêtes… une humanité sous le joug de la terreur, gémissante et sottement        vaniteuse,  mesquine et pitoyable,  incapable de se guérir et de reconnaître ses erreurs, occupée à causer sa propre perte, sous l’autorité incontestée des savants athées, et des chefs d’Etats impies. Et ces mères humiliées, qui amènent aux pieds de la Vierge des encéphalites, des tératogénies, des cécités et des surdités… que disent-elles, enfin, en présence de la Maternité de Marie: « Voici le fruit de mes entrailles »….

Les mêmes « fils de la femme », vingt ans plus tard,  reviennent à Lourdes en uniforme,  pour un pèlerinage militaire,  présidé par les Evêques catholiques et les aumôniers de tueurs d’hommes, de sorte que l’Eglise est définitivement compromise aux yeux de tous ceux qui cherchent la Vérité et l’Amour.

Il n’est pas étonnant que Marie ne fasse pas de miracles à Lourdes, ou qu’elle en fasse si peu… comme en cachette. Exceptions qui confirment sa puissance céleste sans la banaliser.

Notre époque repose tous les problèmes: depuis que Copernic eut l’audace de détrôner notre vaniteuse planète, que Lavoisier énonçait le principe sauveur de l’étude de la matière,  [39]  que Pascal assurait les bases du calcul intégral et de la méthode expérimentale, que Newton expliquait l’ordre de l’Univers, que Laplace en confirmait la rigoureuse géométrie… quatre siècles déjà ! Bientôt cinq … Pendant tout ce temps, les hommes ont continué de s’accoupler à la manière des animaux, comme ils en avaient antérieurement  l’habitude, sans remettre en question la validité de leur actegénérateur,  alors qu’ils ont contesté les fondements de la foi. La mortalité infantile, le sang, les larmes, les risques de la maternité, ses douleurs, la précarité de la vie humaine, les difficultés de l’éducation, la masse des ignorants et des affamés issus d’une telle génération: autant de problèmes qui ne sont pas encore montés à la conscience des civilisés, qu’ils soient chrétiens ou libre-penseurs.

Bien mieux: l’homme moderne, qui perce le secret des atomes et compte les galaxies ne se connaît pas lui-même, ignore la loi biologique qui lui est spécifique, il ne sait s’il en a une, il ne se donne aucune peine pour la chercher, il joue au piquet en attendant son arrêt de mort. [40] Il s’y résigne en se divertissant, comme autrefois, dans les temps de la « préhistoire », et rien ne l’amuse plus que la fabrication des armes…

A-t-elle sonné l’heure de provoquer le scandale ? Le bon, le vrai, celui de Galilée, qui eut raison, à lui seul, contre la multitude qui le condamnait. Il ne s’agissait pourtant que des astres ! Et si l’on remettait en cause un usage humain universel du sexe, erreur qui, finalement, expliquerait l’insatisfaction du coeur humain, la ruine de la psychologie, l’absurdité de la morale, le désarroi des consciences,  pour proposer la solution divine capable de renouveler la face de la Terre ?

Plan Général

« Toutes les voies du Seigneur sont Vérité et Amour ». [41] Cette dualité n’est pas un dualisme, mais présente les deux phases d’une même réalité, qui est Dieu même, dans son action créatrice et rédemptrice.

La VÉRITE ? Qu’est-ce à dire  ? – La doctrine.  Jésus était un maître. Il annonçait la doctrine du Royaume des cieux.  [42] Il accomplit les oracles des Prophètes, il achève les réflexions des Sages, nous laissant des énigmes à déchiffrer autant que des propositions à retenir. Il a confié à ses apôtres des confidences que les foules ne pouvaient entendre.[43] « A vous il est donné de connaître les mystères du Royaume…  » [44] Mais il n’a pu tout livrer, même aux apôtres: « Petits enfants, j’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous n’êtes pas en état de les porter maintenant. » Mais, à la veille de la Pentecôte, par les révélations de Marie, ils accèdent à la vérité toute entière.[45]

Dans quelle mesure le message du Christ a-t-il été fidèlement reçu et transmis ? Jésus ouvrit l’intelligence de ses apôtres à la compréhension des Ecritures, dans les jours qui suivirent sa résurrection.[46] Beaucoup de choses ont été oubliées: la persécution de Néron a décapité l’Eglise, qui a vécu pendant des siècles sous l’oppression. Mais l’essentiel nous est certainement parvenu. Le vocabulaire doctrinal de l’Eglise, les Ecritures et la Liturgie contiennent assurément la doctrine de Vie. Il faut donc chercher encore, pour que tout devienne clair, pour que tombent les apparentes contradictions, qui tiennent à l’obscurité de nos esprits. Tel sera l’objet de la première partie de ce livre: six chapitres consacrés à la découverte de la Vérité.

Mais la Vérité ne sert de rien si elle demeure purement théorique: seule l’application devient efficace: « Ce ne sont pas ceux qui crient: Seigneur, Seigneur… qui entreront dans le Royaume des cieux, mais celui qui accomplira la volonté de mon Père ». [47] Ce n’est pas là chose facile, dans un monde qui lui désobéit universellement. [48] Il importe donc de se « garder de ce monde » [49] pour ne point s’y contaminer: position traditionnelle des moines et de l’Eglise dite « régulière ». Mais il importe aussi de changer le monde, et d’évangéliser les Nations, pour que tous les hommes parviennent à la connaissance de la Vérité et au salut, [50] en se soumettant à la royauté de Jésus-Christ, en reconnaissant son Evangile comme la norme fondamentale de toute créature rationnelle, pour accomplir finalement la Volonté du Père qui est Vie, et Vie Eternelle. [51]

Telles sont les deux grandes parties de cet ouvrage.

 

Prière à Sainte Marie, Immaculée

O Marie, incomparable de beauté et de grâce !  Vous avez réalisé adéquatement la pensée du Père,  en engendrant le Fils de Dieu par l’Esprit-Saint.

Vous avez réalisé la vocation de la Femme. Vous êtes notre lumière, et la réalisation  de notre espérance.

Aidez-moi dans ce travail de recherche, par la simplicité de votre regard, la fermeté de votre foi, la chaleur de votre amour.

Afin que les privilèges que vous avez reçus de Dieu soient par vous communiqués àtoutes les vierges de la Terre, et que tous les fils et les filles de Dieu, dont vous êtes  la Reine et la Maîtresse, parviennent au plein Salut.

La première partie étudie successivement la sanctification personnelle, puis celle de l’homme par la femme, et de la femme par l’homme. En quoi a consisté ce fameux « péché originel », qui empêche le  plan de Dieu de se réaliser ? Tel est l’objet du troisième chapitre. L’état de péché implique réparation: il détermine l’Economie de la Loi: chapitre 4.  Mais ce n’est là qu’une première étape, l’étape actuelle est celle du Salut qui vient par la Foi: chapitre 5, et par le moyen des Sacrements: ch.6.

La seconde partie résout les problèmes pratiques du comportement humain, et expose un bilan des efforts accomplis dans les siècles passés par les fidèles,  sous la mouvance du Saint-Esprit, pour s’avancer vers la pleine rédemption.  Ch.7. Les autres chapitres précisent les points importants qu’il faut retenir pour éviter les pièges tendus par l’Ange des Ténèbres contre l’Eglise, qui ont jusqu’ici enrayé et retardé l’accomplissement des promesses.


 

[1] – Cette invitation était celle de la première édition de ce livre, qui avait alors pour titre: « Introduction au Paradis Terrestre ».  J’ai gardé le cadre général de cette première édition, puisque c’est celui qui convient le mieux à un ouvrage de théologie fondamentale. Les autres chapitres de ce livre ont été modifiés, surtout les chapitres 4, 7-12.

[2] – Jean Rostand et Andrée Tétry: « La Vie » Larousse 1962  Ch.9, P.199 et s.

[3] – Loigny-la-Bataille.

[4] – I Cor. 15/55: lire la conclusion de cette épître.

[5] – La chose était plus significative lorsque les prêtres portaient la soutane.

[6] – Lc.9/59-60. Mt.8/21-22.

[7] – Molière « Le médecin malgré lui », Acte III, Sc. 2 fin.

[8] – « Le malade imaginaire » Act. III Sc.5.

[9] – Ce n’est pas toujours vrai. Le Sacrement des malades, conféré avec foi, dans les conditions de repentances nécessaires, opère la guérison. Mais ce sont ces conditions qui manquent. On ne trompe pas Dieu par un simple rite dépourvu d’esprit.

[10] – Légitime défense: il y a une défense légitime qui consiste à respecter la loi de Dieu, laquelle défend notre vie. Ici, La Loi de Dieu est: « Tu ne tueras pas ». Cette défense-là est oubliée des catéchismes et des chrétiens.

[11] – Mt. 26/52. Tous les manuscrits portent « tous ».

[12] – Le privilège du « for » interdit aux prêtres le métier militaire, l’usage et la possession des armes à feu. Tout prêtre qui fait le coup de feu est suspens ipso-facto.  Le Concile de Nicée punissait de 10 ans de pénitence tout chrétien qui acceptait  le service militaire.

[13] – Mt. ch.7.

[14] – Jn. 8/43-44.

[15] – Jn. 8/51.

[16] – Jn. 6/57. Lire v.52-58. Jn. 11/25. Il y a 23 versets de l’Evangile de Jean, où Jésus promet la vie à celui qui croit et qui demeure en sa parole. Voir aussi le texte de la Ière épître  de Jean.

[17] – Lc. 17/10.

[18] – Lc.12/42-44.

[19] – Lc. 23/39-43.

[20] – Voir le Mythe de la Caverne, de Platon.

[21] – « La Nausée » de J.P. Sartre, contient des pages étonnantes sur la répulsion de l’auteur pour la matière vivante.

[22] – Le mot grec « BROTOS » (le mortel), signifie « l’homme ».  Paul, parlant de la résurrection de la chair à Athènes, se fit moquer de lui par les sages et les philosophes (Act.17/31)

[23] – Sg. 2/23-24.

[24] – Ps.117 (Hb) Ière de Jn.2/17.

[25] – Issue du dualisme grec et de la philosophie platonicienne. Plusieurs Conciles occidentaux, comme celui de Londres, au 12è.S.  déclarèrent que cette pensée grecque état la cause de toutes les hérésies. Malgré les interdictions, on introduisit l’étude  des philosophes grecs dans les Ecoles de Théologie. La mort devint alors naturelle à l’homme, de sorte que la « rédemption » est pratiquement identifiée à l’immortalité de l’âme.

[26] – Thème bible fondamental, inscrit dans la logique de la langue hébraïque. Ps.89/49, Hb.

[27] – Is.45/7-9. Is. 54/10-11.

[28] – Jn.15/16.

[29] – C’est le sens littéral du mot « Pâque ».

[30] – Apoc. 22/16.

[31] – Cantique du Banquet des Dix Vierges de Méthode d’Olympe.

[32] – On lit: « L’amour est fort comme la mort » : mauvaise traduction. « Sur la mort, l’amour est plus fort », « l’amour triomphe de la mort », Cant.8/6.

[33] – Lc. 13/20; Mt.13/33.

[34] – Il faut une foi capable de transporter les montagnes pour vaincre les préjugés des hommes. Cf. Mt. 17/20s.

[35] – Jn. 2/1-11.

[36] – Première partie du ministère de notre Seigneur en Galilée: Lc. 4/40, et passages parallèles.

[37] – Act.2/43.

[38] – Lc.9/41; Mc.9/10; Mt.17/17; Lc.9/23; Mc.12/39… et autres passages.

[39] – « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». La balance sauva du dédale les alchimistes.

[40] – Pensée de Pascal.

[41] – Ps. 25/10.

[42] – C’est essentiellement le Sermon sur la Montagne, Mt. Ch. 5-7.

[43] – Luc. 8/10, et parall.

[44] – Mt. 13/10-15.

[45] – Jn. 16/12.

[46] – Lc. 24/45.

[47] – Mt. 7/21.

[48] – Ia Jn. 5/19.

[49] – Jac. 1/27.

[50] – I Tim. 2/4.

[51] – Jn. 6/40.