Introduction

La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Jésus, le Verbe de Dieu, est venue pleurer amèrement sur la montagne de La Salette, le 19 septembre 1846. Elle a aussi parlé ; elle a expliqué la raison de son chagrin. Elle l’a dit aux enfants qui furent les confidents de sa douleur et de sa gloire. En outre elle a précisé, dans un secret confié à Mélanie, les châtiments devenus inévitables par lesquels Dieu allait frapper l’Eglise oublieuse de sa mission, et le monde asservi aux séductions de Satan.

Il y a de quoi pleurer, en effet, sur ce que nous sommes devenus… C’est pourquoi la Vierge Marie était en larmes, quoiqu’elle  fût éternellement dans la joie de son Fils ressuscité.  Elle prévoyait nos extrêmes détresses ; elle les prophétise ici pour qu’un mouvement de conversion et de vraie pénitence nous les fasse éviter,  pour que la foi se réveille  dans l’Eglise, et que les fidèles ainsi justifiés reçoivent le Salut payé par la crucifixion de  Jésus-Christ.

Le fait de La Salette est incontestable. [1] L’enquête ecclésiastique, ordonnée par  Monseigneur Philibert de Bruillard, évêque de Grenoble en 1846, l’établit avec une certitude absolue.  La nouvelle de l’Apparition de la Vierge Marie  sur une  montagne solitaire des Alpes se répandit rapidement dans le peuple chrétien. Elle suscita  aussitôt  un grand mouvement de ferveur et de piété. Les pèlerins affluèrent de toute l’Europe sur les hauts lieux sanctifiés par le passage de la Mère de Dieu, imprégnés longtemps de sa grâce et de son parfum.

En 1847, le 19 septembre, premier anniversaire de l’Apparition, plus de cent mille  fidèles  passèrent la nuit à prier, à chanter des cantiques, sous la pluie, dans le froid, sans abri sur ces hauteurs austères ! Quel effort ! Quelle ferveur ! Quelle preuve de bonnes dispositions ! Mais qui, alors, dans le clergé, eût été capable d’évangéliser ce peuple pour lui faire discerner le péché qui conduit à la mort, et l’amener à la justice qui procure le Royaume du Père ?

Partout l’on invoqua Notre Dame de la Salette, réconciliatrice des pécheurs. Beaucoup furent exaucés, guéris, consolés. Le Souverain Pontife Pie IX crut. Il octroya des indulgences. On se mit à construire la basilique. L’appel céleste était-il entendu ?  L’Eglise allait-elle se renouveler  comme aux jours d’autrefois ?  Ecartés les fléaux qui menaçaient la chrétienté et le monde ? On put le croire.

 Il n’en fut rien. Pourquoi ? Certes, les ennemis de la foi et de l’Eglise, pauvres  gens aveuglés,  déversèrent d’inqualifiables moqueries et calomnies sur les messagers de la Vierge, humbles parmi les humbles,  qui n’ont  fait que rapporter ce qu’ils ont vu et entendu, et que personne n’a pu confondre.  Le haut clergé ne voulut pas se soumettre. Certes, Monseigneur de Bruillard témoigna souvent de la haute estime qu’il portait à Mélanie et de sa piété envers Notre Dame de La Salette, mais après lui, plusieurs de ses successeurs, imbus d’eux-mêmes, ambitieux politiques, ainsi que l’Archevêque de Lyon jugèrent avec hauteur ces « choses étranges » et « ces paroles invraisemblables », tellement contraires au scientisme borné de l’époque et à l’optimiste béat qui saluait la machine à vapeur. Même le curé d’Ars, trompé pendant un temps, se montra sceptique. Dès lors, un voile de doute et d’hésitation obscurcit la lumière virginale descendue de la sainte montagne.

La Salette devint un signe de contradiction. Elle l’est encore aujourd’hui. Les actuels chapelains du sanctuaire gardent un silence hypocrite sur le « secret » confié à Mélanie, c’est-à-dire sur l’essentiel du message : « Apocalypse de Notre Dame ».Ce texte qui pouvait paraître énigmatique autrefois est devenu d’une brûlante vérité :  l’histoire l’a confirmé dans sa plus grande partie. D’ailleurs quiconque connaît la Sainte Ecriture y reconnaît le style des  anciens Prophètes, de Jésus et des Apôtres,  et la confirmation  des antiques prédictions annonçant la confusion de la grande prostituée et la ruine de Babylone :  la destruction et la disparition de notre « civilisation » impie  et corrompue.

 Toute prophétie reste mystérieuse tant que l’histoire  n’en a pas livré la clé. C’est ce qu’enseigne l’Ecriture qui nous rapporte d’abord les prédictions des Prophètes et nous raconte ensuite comment elles se sont réalisées. Ainsi en est-il du message de Marie à La Salette qui s’éclaircit à mesure que l’histoire se déroule.  C’est ce que Mélanie elle-même écrivait à l’abbé Combe, alors qu’il échafaudait des hypothèses sur les événements futurs :

« Vous vous donnez beaucoup de peine… Il me semble que votre commentaire n’est pas nécessaire… Les prophéties ne sont pas claires : il est arrivé à des commentateurs d’expliquer comme présent un événement très, très éloigné… J’ai vu dans l’Evangile divers points que les saints pères n’ont pu expliquer… Ces points seront mis en lumière plus tard. » [2]

 Aujourd’hui la lecture que nous sommes en droit de faire du « Secret de Mélanie »  a l’avantage d’être bien éclaircie par plus de  150 ans d’histoire  de l’Eglise et du monde. Les principales difficultés du texte sont levées si l’on admet que la Vierge Marie ne suit pas un ordre chronologique rigoureux, tout au long de son discours,  mais si nous l’entendons revenir à plusieurs reprises sur les mêmes événements. Ainsi procède l’Apocalypse de Saint Jean. Il est ainsi relativement aisé d’harmoniser les dates et les durées qu’elle propose et de lever les apparentes contradictions.  « Cherchez et vous trouverez… », « Que celui qui est intelligent  comprenne… »

C’est à trois reprises, en effet que la Vierge  Marie nous invite à comprendre le sens des événements qui vont se dérouler depuis l’Apparition jusqu’à la fin des temps.[3] Les larmes de la Mère de Dieu et la gravité des paroles prononcées alors, inaugurent en effet les temps que nous vivons depuis et que l’on peut légitimement appeler « apocalyptiques ». Ils vont se terminer bientôt, je l’espère, par l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ  comme juge suprême des nations. [4] C’est alors qu’il inaugurera son Royaume sur la terre, où enfin il sera servi et adoré pour le plus grand bonheur de ses créatures.  [5] Puisse ce modeste travail hâter le moment de ce Retour !


 [1]  – Voir le livre de « Louis Bassette » : « Le fait de La Salette » (Cerf, 1955).  En vente au Sanctuaire. Voir également « Documents authentiques », chez Desclée, en vente au Sanctuaire.  Bassette a recueilli les premiers témoignages et tous les documents de l’enquête ecclésiastique. Consulter également les ouvrages publiés par l’Association des « Enfants de Notre Dame de la Salette » pour servir à l’histoire vraie de La Salette. Nouvelles Editions Latines,  ou encore au siège de l’Association : 12 avenue du Grain d’Or, 49600 Beaupréau.  Voir aussi le livre de l’abbé Gouin « Sœur Marie de la Croix, née Mélanie Calvat. » Voir aussi « L’enfance de Mélanie », autobiographie, et les ouvrages de l’abbé Combe.

                  J’ai connu personnellement l’abbé Gouin, et je suis allé lui rendre visite pour m’entretenir avec lui lorsqu’il était curé à Avoise (Sarthe) près du monastère de Solesmes. En quelques cinquante ans de patients travaux, de recherches et de compilations, il avait  réuni dans sa bibliothèque tout ce qui avait paru sur La Salette et même de nombreux inédits, depuis les témoignages de première main du temps de l’Apparition, les textes officiels de l’enquête de Monseigneur de Bruillard.

[2]  – Lettre à l’abbé Combe, citée  par l’abbé Gouin, page 9 « La vie de Mélanie Calvat ».

[3]  – La « fin des temps » , et non pas la « fin du monde », dont l’Ecriture ne parle pas, car la Création de Dieu ne sera jamais détruite. Elle parle seulement de la « consommation du siècle », ou de la « fin des jours » : fin du monde impie des hommes déchus.

[4]  –  Mt. 25/31 s. Jésus annonce le jugement ders nations, à la fin du « temps des nations », et non pas le jugement dernier qui se produira seulement à la fin du millénaire : règne de Jésus sur la terre pendant mille ans (Apoc. 21).  Le « temps des nations »   est défini par  Jésus en Luc 21/24 : c’est le temps de l’occupation de Jérusalem par les nations. Les Juifs sont revenus en Palestine en  1948, mais ils n’ont pas encore reconnu Jésus comme Messie, Roi d’Israël et Fils de Dieu.

[5] – Apoc. 20/1-6.  Voir Saint Irénée, « Adversus Hareses »,  livre V, où le saint Docteur précise, par le témoignage des Pères Apostoliques, qui ont connu les Apôtres, les caractéristiques de ce règne de Jésus-Christ  sur la terre et du renouvellement de toutes choses.