Joseph le Juste

Il est bien certain que pendant les trente ans de la vie cachée à Nazareth, Jésus eut des conversations d’une grandeur et d’une beauté souveraines avec ses parents. C’est là que le Verbe fait chair livra la pleine explication du Verbe écrit antérieur. Ni le monde, ni l’Eglise n’ont été informés de ces divines paroles. Une présentation théâtrale ne doit pas être exclue, comme on a joué « les mystères » de la Nativité et de la Passion, pour la plus grande édification du public.

Postface

Le premier chapitre  du Nouveau Testament, Ier de saint Matthieu est d’une importance capitale pour l’intelligence de toute l’Economie de la Rédemption.

« Livre de la genèse de Jésus-Christ… « 

Il faut bien lire « genèse », ou « génération », et non pas généalogie.   Grec genesis  De  même que histoire de l’humanité issue d’Adam et de sa faute – l’Ancien Testament – commence par une  Genèse, ainsi en est-il du Nouveau Testament.

« fils de David, fils d’Abraham… »

A vrai dire l’histoire de la Rédemption commence par la foi d’Abraham, selon laquelle il engendra Isaac, qu « était de l’Esprit.  » (Gal. 4/29) Et de David, qui a fait pénitence sur le péché originel en avouant dans le ps. 50/7 : « Ma mère m’a conçu dans le péché, c’est dans les cris de douleurs que j’ai été enfanté ». [1]

« Mais la génération de Jésus-Christ…  »

La conjonction « mais » est souverainement importante:  elle met en évidence l’opposition entre les anciennes générations, 42 rapportées par St. Matthieu, qui se sont faites dans la transgression, et la génération de Jésus-Christ qui se fait dans la Justice et la Vérité.

« Mariée à Joseph »

Le mot le plus juste pour traduire  « mnhteuqeishs » est bien « mariée ». « Desponsata » dans la traduction latine. Etymologiquement : confiée à la mémoire de Joseph,  en se souvenant que le mot « mémoire »,  en hébreu est la même racine que le mot « mâle ». C’est pour éviter l’idée du mariage charnel qu’en français certains traduisent par « fiancée ».

« avant qu’ils se fussent conjoints »

« Avant qu’ils aient été ensemble » latin « co-ire », d’où vient le mot  français « coït ».  Il faut exclure l’expression « habiter ensemble ».  Joseph et Marie avaient une vie commune virginale bien avant l’Annonciation. Marie était une femme dans la plénitude de son âge d’épouse lorsqu’elle a conçu le Christ. Il faut rejeter la légende « mystique » qui présente Marie comme une  fillette encore naïve.

« ne désirant pas faire connaître cette maternité ».

 C’est ici que toute l’Eglise latine a erré en raison du verbe « denuntiare », employé par saint Jérôme, et que l’on a traduit en français par « dénoncer ». Le mot « denuntiare » ne signifie nullement dénoncer, mais seulement « faire connaître à la suite de »,  par exemple « rendre public un traité qui a été conclu en privé », ou un testament, par exemple.  Le mot dénoncer en latin se dit « deferre ».

Le mot grec « deigmatisai » signifie « citer en exemple », du mot « deigma » qui signifie le « modèle » que l’on présente à un enfant pour qu’il apprenne à écrire  les lettres ou les chiffres. On pourrait donc traduire directement sur le grec: « Ne voulant pas la citer en exemple ».  Joseph ne peut, selon la Loi de Moïse, témoigner pour lui-même.

« … de garder le secret et de délier Marie « 

Cette traduction un peu éloignée du mot à mot rend bien l’idée du texte grec original, évoquant la coutume hébraïque du lien conjugal qui pouvait être rompu éventuellement par l’autorité du mâle.  Les pharisiens allaient très loin dans l’interprétation cruelle de cette loi, comme on le lit dans le ch. 19/3 de St. Matthieu: « Dis-nous s’il est permis de répudier sa famme pour n’importe quelle raison ». Joseph considère Marie comme « la femme libre »  dont parle Saint Paul dans l’Epître aux Galates, au ch. 3, v.23 s. en évoquant l’allégorie des deux femmes d’Abraham.

« …  il portait ce souci  dans son coeur… »

Bonne évocation du mot grec « enqumhqentos » (sens du mot qumh); c’est-à-dire il était dans l’ambiguïté sur la décision qu’il devait prendre. Mais sa « justice » – « Joseph étant juste » –  lui imposait de ne pas laisser croire au peuple d’Israël que Jésus était le fruit de sa propre semence, donc, dans l’optique de la loi de Moïse, de laisser croire que le Christ était grevé de la faute originelle.

« … du fait que… »

Conjonction grecque « oti »  « du fait que ».  Le sens du grec est sans équivoque: l’Ange n’annonce pas à Joseph que l’enfant est du Saint-Esprit: il le sait déjà; mais il lui dit  que cette conception d’En Haut n’est pas une raison pour qu’il n’accepte pas la paternité sur cet enfant.

  » …Jésus, car il délivrera son peuple de ses péchés… »

Celui qui délivre le peuple de ses péchés doit être tout à fait exempt de péché.  Il faut mettre en effet dans la bouche de l’Ange tout le discours jusqu’à la fin du v. 23.  C’est en étant lui-même l’exemple vivant de la génération sainte, que Jésus-Christ  est le « témoin fidèle et l’Amen véritable », »engendré et venu en ce monde pour porter témoignage à la Vérité ». (Jn.1/8 [2])

« … de sorte qu’elle enfanta le fils premier-né… »

 La conjonction grecque  « ews ou »  employée ici, exclut la traduction « Jusqu’à ce que »  employée couramment.  « Jusqu’à ce que » n’est pas « ews ou »,

mais « ews an » .  La bonne traduction ici est « au point que, » « de sorte que »; c’est parce que Joseph n’a pas « connu » Marie (connaître au sens biblique du terme: s’accoupler avec)  qu’elle a conçu le fils de Dieu.

« Le fils premier-né ». Il n’y a pas d’article en grec, de sorte que l’on peut traduire soit « un fils premier-né », soit « le fils premier-né ».  Jésus est le vrai Fils de l’Homme, celui qui, le premier, a été engendré dans la Vérité de l’intégrité virginale de sa mère toujours vierge.

Cette lecture du premier chapitre de Saint Matthieu est la seule conforme à la lettre et à l’esprit du texte sacré. Il faut en effet tenir fermement la parole de Paul dans l’Epître  aux Galates citée ci-dessus : « Lorsque la foi est venue en ce monde, Dieu a envoyé son Fils…  »  La plénitude des temps coïncide en effet avec l’avènement de la Foi dans le monde, c’est-à-dire d’une mentalité et d’une conduite conformes à la Vérité de la pensée éternelle de Dieu, d’abord sur la génération.  La plénitude des temps sera effective lorsque la foi qui fut professée initialement dans la maison de Joseph, le sera par tous les couples de la terre.

Acte I –  « Les temps sont accomplis »

Cet Acte présente des conditions tout à fait vraisemblables de la profession de la foi de Saint Joseph devant les autorités synagogales de son temps.

Le mot « charpentier », est en réalité le mot « faber » qui désigne tout artisan habile, capable d’abord de forger ses outils-  et de ferrer les chevaux – pour ensuite travailler le  bois ou la pierre.  Les anciens forgerons avaient leurs secrets pour la fonte des métaux. Ils savaient forger des aciers au carbone, extrêmement durs, par lesquels les sculpteurs pouvaient travailler même le porphyre, comme en témoignent les sarcophages de l’Egypte.  Ils savaient aussi reconnaître les minerais de métaux lourds qui entrent aujourd’hui dans les alliage spéciaux.: Vanadium, Manganèse, Tungstène etc… Ces métaux n’étaient as encore connus individuellement, mais ils agissaient dans la fonte de leur  minerai

Les forgerons étaient à la fois enviés et méprisés en Israël, on lit la trace de cette attitude dans le livre de l’Ecclésiastique, ch.  38/28.

 

Acte 2 – « La Foi de Joseph »

La présentation théâtrale du Mystère de l’Annonciation ne doit pas être exclue malgré toute la difficulté qu’elle présente pour les acteurs éventuels. Les artistes peintres et sculpteurs n’ont pas hésité à présenter des toiles et des marbres illustrant ce grand mystère de notre foi. On a joué les « mystères » de la Nativité et de la  Passion, pour la plus grande édification du public.

Il est certain que Joseph et Marie vivaient dans l’Alliance virginale, non seulement parce qu’ils étaient clairement instruits par Moïse et les Prophètes, mais parce que la foi catholique l’affirme comme un dogme infaillible, conforme à la tradition apostolique et liturgique: Marie fut immaculée dès le premier instant de sa conception « exempte de toute tache de la faute originelle ». Elle fut le fruit béni de la foi de ses parents, Joachim et Anne, qui avaient dépassé [3] la génération charnelle. La conception de Marie sous la Porte Dorée du Temple est affirmée par les Anciens Pères. Elle inspira de nombreux artistes qui l’ont figurée sur des toiles et des fresques, notamment les fameuses « Tapisseries de Reims », qui illustrent la biographie de Sainte Marie. Une admirable poésie de Corneille exalte l’Immaculée Conception.

 

Je tiens pour certaine la conception immaculée de Saint Joseph. Si l’on prend au pied de la lettre le bref pontifical de Léon XIII : »Lorsque le Dieu miséricordieux décida la Rédemption du genre humain, attendue depuis tant de siècles,  il refit son ouvrage comme il l’avait établi au commencement…  »  Or au commencement Adam et Eve étaient créés dans la pleine justice, c’est à dire exempts de tout péché. Thèse de foi de l’Eglise Catholique.  [4]

 

La parole de Jésus concernant « Jacques le juste » figure dans l’Evangile de Saint Thomas.  Logion  13, Trad. Jean Dorèse.

Acte 3 –  « La Table de Jacques le Juste »

Il est bien certain que, pendant les trente ans de la Vie Cachée de Jésus à Nazareth, il eut des conversations d’une grandeur et d’une beauté souveraines avec ses parents et ses grands parents.  C’est là que le Verbe fait chair livra la pleine explication du Verbe écrit antérieur. Ni le monde, ni l’Eglise n’ont été informés de ces divines paroles: les hommes issus d’Adam n’en étaient pas dignes :

– La Synagogue n’en  fut pas  digne car elle a condamné et crucifié Jésus-Christ en l’accusant de blasphème parce qu’il a professé sa filiation divine.

– Les Apôtres ne les ont pas connues parce qu’ils ont désobéi à la monition de Jésus, trois fois répétée dans l’évangile: « Allez en Galilée; c’est là  que vous me verrez… »  et l’Evangile de Saint Thomas précise  » Vous irez vers Jacques (=Jacob) le Juste…  » Effectivement le  jour même de son Ascension, Jésus reproche aux Onze  leur incrédulité: ils n’ont pas cru aux femmes qui leur ont transmis, le jour même de la Résurrection: « il vous précède en Galilée… « .  Si les Apôtres avaient obéi à cette monition du Seigneur Jésus, c’est en Galilée, dans la maison de Jacques le Juste qu’il auraient vu le Seigneur, mangé avec lui, et reçu son enseignement pendant les 40 jours qui ont précédé son Ascension: enseignement attesté par les saints géniteurs du Christ.

– Enfin l’Eglise elle-même est partie de travers à la suite du Concile de Jérusalem où Pierre n’a pas su – ou pu (?) – donner une explication claire de l’Economie de la Loi et du sens de la Circoncision..  Voir sur ce point le livre de Marie-Pierre Morel : »Ce qui a manqué ».

La condamnation et la crucifixion de Notre Seigneur n’étaient pas une fatalité: elles furent le résultat d’une décision des autorités légales du peuple d’Israël. Ils avaient l’entière liberté de reconnaître en Jésus le Messie que leur avaient annoncé les Prophètes. Le Salut de toute chair était suspendu à leur  décision; il l’est encore aujourd’hui.  Voir Rom. ch. 9-11.

Acte 4 – « Le souci de toutes les Eglises »

Il fallait mettre en scène les premières difficultés que rencontra l’Eglise Apostolique dans la conjoncture judéo-grecque. Le schisme entre les chrétiens issus du judaïsme et les chrétiens d’origine grecque ou latine a déterminé  toute l’histoire de l’Eglise. Saint Paul, instruit par  la Loi de Moïse s’est fait une grave illusion sur la capacité de ses Corinthiens et de ses Galates, pour saisir la rationalité de la Foi. C’est pourquoi les Actes des Apôtres et les Epîtres sont l’écho de ce combat sans issue entre la foi judéo-évangélique et la mentalité païenne de l’idolâtrie et de la philosophie grecques.  (Voir Paul à Athènes, Actes.ch.17.) De fait, l’Eglise catholique n’a jamais donné une définition claire, basée  sur Moïse,  du péché originel, c’est-à-dire du péché de génération, dans lequel sont retombés les chrétiens au cours des âges tout comme les Galates et les Corinthiens d’autrefois.

Toutefois la discipline de la virginité sacrée, « supérieure au mariage charnel », (Canon du Concile de Trente)  est toujours restée l’amorce solide, mais incomprise, du Royaume de Dieu comme Père. Ainsi les reproches de Saint Paul à ses Corinthiens dans sa deuxième épître, s’adressent à l’Eglise tout au long des âges, jusqu’à nos jours. Toutefois la prophétie de Saint Paul sera réalisée : « Je suis certain que le Seigneur gardera mon dépôt jusqu’à ce Jour-là…  » : « dépôt » de la doctrine de vie qu’il a confié à Timothée, en déplorant: « tous m’ont abandonné ». « Ce jour-là » est celui du retour  glorieux du Christ, où la pleine lumière de la Vérité resplendira sur toute conscience d’homme. – comme le chante avec une grande poésie l’Office de l’Avent. Il ne peut y avoir de plus grande lumière que le témoignage du Verbe de Dieu lui-même dans sa génération  en notre chair.

Le lecteur instruit des Epîtres de Saint Paul n’aura pas de peine à la reconnaître dans le dialogue de cet acte.

Acte 5 – « Conseil papal de la fin du dernier siècle »

La biologie et la psychologie modernes ont scientifiquement pris conscience du désastre de la génération charnelle, par laquelle les tares génétiques et les complexes les plus sournois de la sous-conscience et de l’inconscience se sont transmis et amplifiés avec l’aggravation et l’accélération de la chute originelle.[5]  C’est la Foi en Jésus fils de Dieu, fils de l’homme et fils de vierge, qui seule peut nous tirer d’affaire, à condition qu’elle soit mise en application par les fidèles, selon l’exhortation de Saint Jacques: « la foi professée mais non appliquée est morte sur elle-même ».  Et aussi « La sagesse qui vient d’en-haut est chaste avant tout… « 

Le discours du Pape, à la fin de l’acte, développe la première exhortation apostolique qu’on lit en Act.2/40 : « Arrachez-vous à cette génération pervertie ».   Le lecteur trouvera facilement les citations des Saintes Ecritures sur lesquelles s’appuie ce discours, comme tout le dialogue de cet acte 5.

[1] – Littéralement en hébreu qui emploie ici une forme passive « J’ai été crié, impossible à traduire exactement. Le latin de Saint Jérôme a paraphrasé:, en répétant le mot  « concevoir » « In peccatis conceptus sum ».

[2] – Il faut bien comprendre  le grec : c’est par sa venue en ce monde qu’il  est la vraie lumière pour tous.

[3]  – N’oublions pas que l’étymologie du mot Joseph est « Celui qui dépasse ». Voir la bénédiction de Jacob sur son fils Joseph, Gen.4//22-26

[4]  – Voir le ch.I du Décret sur le Péché Originel du Concile de Trente. Notre traité de la justification,  p.3

[5] –  J’ai déjà traité de cette grave question dans e 5ème acte de ma tragédie « La dispute du Saint Sacrement »