Épitre aux romains

La situation : ​

Paul esclave du Christ-Jésus, élu apôtre, distingué pour une Bonne Nouvelle de Dieu, 2- qu’Il avait annoncée à l’avance par les Prophètes dans les Écritures Saintes, 3- en ce qui concerne son fils, issu de la semence de David selon la chair, 4- qui a été révélé en puissance fils de Dieu selon l’Esprit de sainteté, du fait de sa résurrection des morts, Jésus-Christ notre Seigneur, 5- par qui nous avons reçu grâce et apostolat, pour (provoquer) un assentiment de foi parmi tous les peuples, en faveur de son Nom, 6- parmi lesquels vous êtes, vous aussi, élus de Jésus-Christ, 7- vous tous qui êtes à Rome, aimés de Dieu, élus saints : grâce à vous et paix de la part de Dieu notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ.

Introduction

Il n’est pas possible, dans une préface que je veux courte pour épargner le lecteur, de retracer le cheminement qui m’a amené à mettre au point et à écrire le présent travail. Prière, réflexion, étude approfondie de l’Ecriture et tout particulièrement de ce texte, confrontations multiples avec les enseignements des Conciles… et les circonstances et les épreuves par lesquelles l’homme découvre par sa propre expérience l’importance fondamentale de la Parole de Dieu.

Il me suffira d’aller tout de suite aux conclusions, afin d’amener le lecteur bienveillant dans l’Axe de la Foi, où je me place avec l’Eglise pour comprendre cette Epître aux Romains dont les célèbres énigmes se trouvent ainsi pleinement résolues. Il y a en effet une « clé de David » par laquelle les portes s’ouvrent, et lorsqu’elles sont ouvertes, personne ne peut les fermer.

De quoi s’agit-il en effet ? De savoir exactement ce que Paul a voulu nous dire dans cette Epître, de manière à nous élever avec lui à la certitude de son espérance, à l’enthousiasme de sa foi. En fait, quel est le thème de l’Epître aux Romains ?

Sur ce point, une tradition qui dure depuis plusieurs siècles a voulu le voir dans le verset 17 du ch.1 qu’il faut traduire ainsi :

« Car je ne rougis pas de l’Evangile : il est une force de Dieu pour le Salut de quiconque croit : Juif d’abord, puis Grec. En effet, en un tel homme la Justice de Dieu se manifeste de foi en foi, selon qu’il est écrit : « L’homme justifié par la foi vivra ».  

Vivra ?

Nous sommes sceptiques. Ceux qui ont cru sont morts. Ils n’ont pas obtenu la réalisation des promesses du Christ. Ils n’ont pas accompli l’espérance apostolique. Ils n’ont pas mieux réussi que les autres hommes, du moins devant la mort. Alors, faut-il révoquer en doute la thèse de l’Apôtre ? Faut-il ramener son espérance de vie à un rêve ne se rapportant qu’à l’au-delà ? Faut-il entendre la promesse du Seigneur dans le sens d’une immortalité de type platonicien ou socratique, celle de l’âme après la mort ? Quelque chose de l’homme subsisterait malgré tout à la décomposition de son cadavre, jusqu’à sa reconstitution dans la résurrection future ?…

Ce sont-là en effet les conclusions exégétiques auxquelles se sont arrêtées la plupart des écoles de Théologie, impuissantes et déconcertées devant cette évidence des faits : la mort des croyants et même des saints !

Toutefois, il ne faut pas biaiser avec les textes : ils ont Dieu pour auteur, l’Eglise nous en assure. Elle en fixe toujours l’interprétation au sens obvie : comme pour les textes de l’Institution Eucharistique par exemple. Ainsi la promesse du Christ ne saurait être entendue autrement que pour ce qu’elle dit exactement :

« Si quelqu’un garde ma parole, il ne verra certainement jamais la mort ». (Jn. 8/51)

Il s’agit bien de la mort corporelle que suit la corruption des chairs. Les premiers auditeurs du Seigneur l’ont bien compris ainsi eux qui rétorquèrent : « Abraham est mort et les prophètes aussi sont morts… » Jésus ne les a pas détournés de cette interprétation réaliste et objective de ses paroles : bien au contraire. Ainsi le Salut qu’il nous promet ici et en d’autres passages analogues (Jn. 5/24 ; 11/25-26, 6 passim, etc…) est bien le triomphe sur la mort corporelle, non pas pour nous réduire à une vie terrestre indéfinie, mais pour nous engager à la transformation de notre corps actuel en corps de gloire par l’Assomption ou l’Enlèvement. C’est ce que Paul promettait aux Corinthiens dans la perspective du retour du Seigneur :

« Voici que je vous dis un mystère : nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés. En un instant, en un clin d’oeil, au son de la trompette finale, car elle sonnera la trompette, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous nous serons transformés. Il faut en effet que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, et que cet être mortel revête l’immortalité… c’est alors que la parole de l’Ecriture sera accomplie : la mort a été engloutie dans la victoire… » (1 Cor. 15/51s. Voyez notre commentaire de d’Ep. aux Cor.)

Si donc un tel heureux résultat ne s’est pas produit pour les croyants en général – hormis les martyrs, qui, à vrai dire ne sont pas morts, mais ont été immolés – nous sommes amenés à nous demander sur quoi portera exactement l’acte de foi qui justifiera l’homme aux yeux du Père, au point que la sentence « Tu mourras de mort » sera effectivement levée.

Si la promesse du Christ ne saurait être révoquée en doute, son non-accomplissement prouve d’une manière évidente que les croyants n’ont pas atteint la plénitude de la foi (Hb. 10/23) ni la plénitude d’âge du Christ (Eph. 4/13). Ils n’ont pas « gardé la parole du Seigneur » jusqu’à son application pratique dernière. Et cela sans doute non pas sur un point de détail, mais sur un comportement fondamental de la nature humaine.

C’est là en effet, la question.

On a prétendu que cette foi qui justifie l’homme aux yeux de Dieu consiste à croire fermement en sa miséricorde, laquelle supprime entièrement le péché du pécheur qui se repent : Jésus a payé sa dette sur la Croix, il a expié en son nom. Ainsi celui qui fait honneur à l’amour miséricordieux du Père manifesté en Jésus-Christ n’a plus à s’affliger de son péché ; si par un acte de foi plein, il surmonte les tourments de son remords passé, il obtient la pleine faveur de Dieu. Beaucoup ont cru cela. Ils en ont fait l’essentiel de la religion chrétienne. Mais malheureusement aucun d’entre eux n’a été justifié, puisque tous sont morts.

Il y avait donc autre chose à croire… Mais quoi ?

J’interroge l’Église Catholique. Elle est gardienne de la Foi. Elle a qualité pour m’instruire. Elle m’assure, en effet, de la miséricorde du Père manifestée en Jésus-Christ ; mais elle m’oblige aussi à donner un plein assentiment à l’ensemble des Vérités révélées par Dieu et garanties par sa souveraine autorité. Elles sont bien précisées dans les Symboles, dans les documents promulgués par le Magistère infaillible : décrets et canons des Conciles. On dresse effectivement d’une manière certaine et exhaustive la liste des Vérités de Foi : Trinité, Incarnation, Rédemption, Sacrements… jusqu’aux dogmes proclamés récemment nous assurant de la Conception Immaculée et de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, sans omettre évidemment sa Maternité divine, et sa virginité perpétuelle. Beaucoup de chrétiens pieux, beaucoup de saints Confesseurs ont admis et professé sans discussion ces vérités catholiques. Ils en ont eu parfois une très haute intelligence ; mais là encore, ils sont morts sans avoir accompli les promesses. Ils n’ont pas atteint la pleine justification aux yeux de Dieu.

Il est vrai que l’ordonnance interne, la cohérence interne du Donné révélé n’a pas été expliqué avec une évidence telle qu’il puisse être mis en application… Contemplée intellectuellement, définie dogmatiquement la Foi a-t-elle été vécue jusque dans ses dernières applications pratiques, au point que toute la nature humaine ait été intégrée et assumée en Dieu, dans les Mystères Divins… Voilà toute la question.

C’est ici que l’ordonnance liturgique me donne une précieuse indication : elle me fait lire l’Epître aux Romains pendant les fêtes de la Nativité du Seigneur Jésus. Je me demande pourquoi. Quel rapport entre l’austère et difficile (ou réputé tel) texte de Paul et l’explosion de joie populaire qui, chaque année, résonne autour de l’enfantement de Jésus par la Vierge Marie ? L’Eglise veut-elle m’indiquer par cette juxtaposition à première vue surprenante, que la Foi qui justifiera pleinement la créature humaine aux yeux du Père s’enracine très exactement sur la Génération Sainte du Seigneur ?

Et effectivement, c’est bien ce point-là que Paul affirme, dès le début de son Epître en me donnant la définition même de l’Evangile, et en posant, comme il se doit, sa THÈSE au début de son ouvrage :

« …l’Evangile de Dieu… son fils Jésus manifesté en puissance fils de Dieu selon l’Esprit de sainteté du fait de sa résurrection d’entre les morts. » (Rom 1/4,  explication ci-dessous.)

Donc, la Résurrection de Jésus n’est pas première : elle arrive comme la conséquence de sa filiation divine en la nature humaine, et apparaît dès lors comme la preuve irréfutable de cette filiation. En effet c’est ce point-là et celui-là seulement qui fut retenu comme grief de sa condamnation et de son exécution : « Il a blasphémé, il mérite la mort… » Tel fut le verdict de l’autorité théologique et sacerdotale suprême (Mc. 14/61-64 et parall.). Mais la résurrection de ce prétendu blasphémateur manifeste avec éclat que c’est lui qui, malgré la sentence des prêtres et des scribes, est juste aux yeux de Dieu : il est le JUSTE, puisqu’il triomphe de la mort d’une manière éclatante. « En puissance », dit Paul.

D’où il suit que la justice de Jésus consiste avant tout dans sa filiation divine, et non seulement dans ses vertus morales. Il en résulte que si nous, nous mourons, c’est que nous sommes « nés de la chair et du sang », « ayant échappé à la gloire de Dieu » (Rom. 3/23), qui n’est autre que la filiation divine. Notre génération charnelle nous a fait naître « hors du Père » (6/39 lire en grec s.v.p.)

Et il est vrai, selon les Evangiles, que les Anges, premiers messagers du Salut, en annoncèrent la Bonne Nouvelle aux bergers de Bethléem au moment où cette heureuse vierge mère enfanta son fils premier-né, non plus en subissant la sentence qui grève toute maternité charnelle, mais dans la joie et l’allégresse, en gardant intacte sa virginité inviolée. Telle est la vraie libération de la femme ; telle est la foi inébranlable de l’Eglise : Marie toujours vierge. De même le vieillard Siméon qui attendait le Sauveur du monde et la lumière des nations chanta son « Nunc dimittis » avant même que le Verbe de Dieu ait pris la parole pour nous instruire. Car, mieux que par les paroles, il est lui-même, par sa conception et sa naissance la démonstration vivante de la Pensée éternelle du Père sur la génération humaine. Et c’est bien ainsi que Jean l’enseigne dans son Prologue :

    « Il était la véritable Lumière éclairant tout homme, en faisant son entrée dans le monde… lui qui n’est pas né du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais qui est né de Dieu… car si la Loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité nous sont advenues par Jésus-Christ… lui le Dieu Monogène dans le sein du Père… »

Si nous ne sommes pas convaincus par la démonstration vivante de Dieu le Verbe lui-même, par qui le serons-nous ? Comment en effet le Nom du Père pourrait-il être sanctifié autrement que par l’Esprit-Saint, venant par son Acte fécondant et créateur lui susciter des fils et des filles dont Jésus est le premier-né ?

Alors, où est-elle la foi qui justifie ?…

N’est-elle pas identiquement celle de Marie ? Ne consiste-t-elle pas à prendre comme norme la sainte génération du Christ ? A considérer la virginité corporelle et psychologique de la femme, permanente et universelle, comme l’indication précise du Créateur pour épargner à la créature humaine cette génération cruelle et hasardeuse dans laquelle elle sombre, génération indigne d’elle. Notre Créateur bien-aimé et tout aimant, sans offenser notre liberté, ne veut-il pas, par la délicate barrière de l’hymen, nous éviter tout mal et nous inviter avec une discrète bienveillance à une génération d’un Ordre supérieur, transcendant à la reproduction animale ? S’il se réserve ainsi l’initiative de la vie, n’est-ce pas pour nous éviter les avatars d’une progéniture ratée et tarée ? Est-ce ainsi, au niveau de l’amour entre les sexes et de la génération, que la créature humaine est élevée jusqu’aux Mystères divins pour participer, d’une certaine manière, à la Génération du Verbe ? La pensée de Dieu serait-elle donc à la fois si simple et si sublime, confondant les adultes et accessibles aux enfants ? Ne voyons-nous pas que c’est justement cette pensée là qui fut mise en application par Marie, lorsqu’elle objecta à l’Ange qui lui proposait une maternité royale et merveilleuse : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas l’homme ? » C’est ainsi qu’elle nous a donné le Sauveur : pourquoi l’application de cette même pensée ne nous donnerait-elle pas le Salut ?

Il faut aussi, par contraste, considérer l’immense misère de la génération charnelle, disons de cette explosion démographique qui alimente les Royaumes de ce monde en esclaves, soldats, trafiquants et galériens, affamés et illettrés… prolifération galopante qu’il fallut toujours réprimer par l’infanticide, le génocide, les sacrifices humains ; qui fut décimée à tous les âges par les fléaux de la nature, les famines et les guerres ; que les Etats modernes tentent d’enrayer en légitimant la contraception et l’avortement. Lorsque les Royaumes de ce monde suppriment le droit de tout être vivant à la vie en normalisant le meurtre, c’est l’aveu officiel que le comportement charnel est rigoureusement absurde.

La rencontre d’un spermatozoïde quelconque avec un ovule incontrôlable donne en effet ce que prévoit la loi des grands nombres : les mutations nécessairement dégradantes se multiplient en progression géométrique. Engagée sur cette pente la race d’Adam roule à sa dissolution : dans quelques générations, un enfant sur dix seulement sera « normal » ! D’ailleurs, accablés que nous sommes par d’infinies maladies, infirmités, difformités, lenteur d’intelligence, dureté de coeur, lâcheté morale, la norme, nous la cherchons vainement : expérimentalement nous ne rencontrons que celle de l’homme déchu, accompagné d’une fiche médicale d’abord, et d’un acte de décès enfin. Il n’y a pas lieu d’être fier de la décomposition cadavérique à laquelle nous sommes condamnés par notre naissance même !…

Certes, l’âme est immortelle, me dit-on pour me consoler. Je veux bien. Je sais même que Dieu a le pouvoir et la volonté de ressusciter un jour tous les hommes. Manquerait-il de force pour empêcher les vivants de mourir ?  Avant d’élaborer des conjectures sur ce qui se passe lorsque l’homme quitte ce monde, ne voudrait-il pas mieux étudier les conditions dans lesquelles il y entre, pour déterminer si elles sont conformes à la volonté du Créateur ? Si la fin est déplorable, c’est que la conception fut coupable. Hormis celle qui fut immaculée dans sa conception et que la mort n’a pas atteinte.

En regard de l’admirable maternité de Marie, il convient de se pencher sur la douleur de la femme qui, victime de l’ignorance congénitale du genre humain, met au monde un débile profond, voire un monstre… On tremble en écrivant ce mot, et pourtant ?… « Né comme ça », privé d’une main, de deux, de jambe, de vue, d’ouie, d’intelligence… Que dire alors ? Cet enfant n’a-t-il pas le droit le plus strict à posséder l’intégrité de sa nature : raison, coeur, mémoire, organes et membres ? En venant au monde infirme ou mutilé il subit une injustice majeure, il est victime d’un péché ; ni les lois, ni les services sociaux, ni la religion, ni la philosophie ne le réparent. Qui est donc responsable de cette injustice, coupable de ce péché qui prive un être humain de son intégrité personnelle ?

Est-ce Dieu ? Est-ce l’homme ? Est-ce quelque puissance angélique malfaisante ?

Si nous posons par principe, comme le font tous les insensés de notre temps, qu’il n’y a pour l’humanité qu’une seule voie de génération, celle que nous suivons aveuglément depuis Adam jusqu’à nos jours, et que cette voie-là est donc nécessairement la volonté de Dieu, c’est alors Dieu et Dieu seul qui est responsable et coupable de tous les ratés de cette génération. N’y aurait-il qu’un seul handicapé parmi tous les fils d’Adam, Dieu serait coupable d’une lourde faute et sujet à l’erreur. Il y en a beaucoup. Si Dieu veut la mort d’un seul homme dans l’humanité entière, il est homicide ; il se condamne par sa propre loi. Or tous les hommes meurent.

Cette proposition est irrecevable. Si j’ose la formuler, c’est uniquement pour mettre en évidence l’absurdité du comportement humain.

Cependant, il faut pousser plus loin encore la logique absurde du comportement charnel ; à la vue de ces débiles profonds, de ces enfants sans bras, sans jambes, sans regard, où ne luit plus qu’une lueur d’âme emprisonnée dans une chair dolente ; à la vue de ces mamans torturées dans leurs couches sanglantes ; des mâles si souvent impies, vaniteux, cruels, cupides ; devant le déferlement de leurs armes meurtrières, des idoles terrifiantes forgées de leurs mains ; devant le corbillard et le cercueil, devant la décomposition cadavérique, il faut dire : si Dieu ne nous avait rien dit pour nous éviter de tels malheurs, il eut été à notre égard d’une injustice, d’une cruauté, d’un cynisme intolérables.

Il n’en est rien.

Car il est sage infiniment, ami des hommes et tout puissant. Il a parlé. Il s’est exprimé aussi parfaitement qu’il pouvait le faire, et aussi simplement que nous pouvons le désirer. Il nous a enseignés explicitement qu’il n’y a pas qu’une seule, mais deux voies de génération : celle de la vie et celle de l’expérimentation du bien et du mal, d’un mélange de bien et de mal. C’est cette dernière que nous avons choisie, trompés que nous sommes par l’esprit pervers de Satan homicide et menteur dès l’origine. Cette voie où le mal semble si souvent l’emporter sur le bien, nous assimile aux animaux qui meurent individuellement et ne survivent que par l’espèce. C’est le processus de la reproduction programmée dans les gènes et les chromosomes, avec les risques nécessaires des altérations cellulaires survenant au hasard, et entraînant obligatoirement des malformations héréditaires. Et comme il est indigne et absurde pour une créature intelligente et libre de s’abandonner aux lois contraignantes du hasard, Dieu, dans sa souveraine sagesse nous a avertis explicitement, nous engageant à éviter cette voie, en nous disant : « Le jour où tu mangeras de l’arbre de l’expérimentation du bien et du mal, tu t’engageras dans un processus de mort ».

Et bien mieux : pour empêcher que cette mauvaise voie où le genre humain s’est engagé, ne l’amène à l’auto-destruction par une véritable explosion en chaîne de la chair humaine, il a promulgué la Loi mosaïque, afin que l’homme prenne conscience du péché qui le perd, et que les conséquences en soient amoindries, et qu’il soit enfin ramené progressivement à l’intelligence du Plan divin.

En effet, lorsque les temps furent accomplis (Gal.4/4), c’est-à-dire, lorsqu’en Israël, dans la lignée de David, s’éveilla la lumière d’une conscience attentive à l’Esprit de Dieu, le Père envoya dans notre nature son Fils monogène. Il vint « pour nous instruire ». Il vint non pas par le moyen de cette génération commune à tous les fils d’Adam, mais par la voie sur-excellente de la génération sainte, au-dessous de laquelle, encore aujourd’hui, nous sommes tous courbés sous les ténèbres et l’ombre de la mort.

Ainsi, c’est Dieu le Verbe en personne qui nous a fait la démonstration de la pensée éternelle du Père sur la vraie génération humaine, et cela dès le moment de sa Conception. Voilà ce qui résulte de la foi la plus certaine et la plus apostolique.

Mais ce n’est pas parce que le professeur est compétent que les élèves comprennent aussitôt. Quelques hommes seulement ont admis et compris la démonstration vivante et pertinente de la Vérité, faite par Dieu le Verbe : les Apôtres et quelques disciples. Pourquoi ont-ils compris ? Parce qu’ils ont vu, entendu, touché le Verbe de vie dans sa perfection humaine. Ils ont fait la différence entre ce « Fils de l’Homme », qui était fils de Dieu et fils de vierge, et leurs propres rejetons. Ils ont été remplis de confusion en comparant le fruit béni d’un Utérus virginal et de ce qui sort de la fille d’Eve ouverte par le viol et déclarée impure par la Loi. Ils ont su et constaté que Marie était restée vierge. Aussi, lorsque l’Esprit eut confirmé le témoignage qu’elle leur donna elle-même sur la conception de Jésus, ils sont entrés dans la voie du Salut, ils « se sont arrachés à cette génération dévoyée » (Act.2/40). Mais les représentants officiels de l’ordre charnel réglementé par la circoncision et les préceptes ont condamné comme blasphémateur celui dont la justice était éclatante, qui avait Dieu pour Père, et dont la vie triompha de la mort en faisant éclater son tombeau.  

Fort de cette foi triomphante puisé au témoignage direct des Apôtres, foi capable de procurer la régénération de l’humanité, j’écrivis, il y a plus de dix ans, un premier commentaire de l’Epître aux Romains. J’y montrais déjà que toutes les difficultés de cette Epître se résolvent aisément, si l’on admet que la foi de Paul était identique à celle de Marie et Joseph… et que l’objet primordial de cette foi n’est autre que la Paternité de Dieu réalisée biologiquement par une génération sainte, réservée à l’initiative de son Esprit vivifiant. J’écrivis une courte préface pour cet ouvrage que voici :

« Des milliers de mères douloureuses déferlent à Lourdes, Banneux, Pontmain… Elles présentent à la mère de Dieu une progéniture informe, pitoyable, désastreuse… Elles pleurent, elles supplient. Elles obtiennent sans doute, la grâce de supporter l’épreuve, mais le miracle, sauf rarissime exception, ne se produit pas.

« Marie, Mère Vierge, se contente de montrer à la misérable humanité le fruit de ses entrailles inviolées, le plus beau des enfants des hommes, le premier-né de toute créature…

« Elle garde le silence, le contraste suffit : est-il compris ?

« Dans la nuit de ce monde, une femme enfante dans l’allégresse en gardant la gloire de sa virginité. Le monde ignore, assoupi ; mais les Anges savent : ils chantent, ils réveillent les bergers voisins : « Debout ! Un Sauveur vous est né ! » Joie de Celui qui naît pour éclairer le monde.

« Des milliers de femmes, dans les cliniques, les maternités, les taudis, les masures, les tentes, les gourbis, les iglous, hurlent à mort sous la déchirure d’une progéniture dont le premier cri est un sanglot ! La maternité qu’elles ont choisie – ou subie – avec quelques rares joies, leur vaudra douleurs, soucis, angoisses et larmes indicibles. En ce moment même, d’autres femmes – par milliers ? – ont recours à l’avorteur.

« Aucun Ange ne bouge. Le contraste est-il compris ?

« Voici Noël : la joie de la maternité virginale de celle que proclament heureuse toutes les générations. L’Eglise alors relit l’Epître au Romains. Sa foi lui fait découvrir dans ce vieux texte, délaissé, une lumière discrète, accessible cependant à ceux qui admettent en principe que Dieu est plus intelligent que les hommes, et qu’il tient la réponse aux questions les plus intimes, les plus angoissantes, telles qu’on ose jamais les proférer, ni même les évoquer à la conscience claire.

« Est-il possible, à la lumière de la foi de l’Eglise, telle que le Magistère infaillible l’a toujours professée, d’interroger ce vieux texte et d’y découvrir la vérité capable de régénérer l’homme ?

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« Le sens commun qui juge selon les apparences, s’imaginait autrefois que la Terre était immobile et que le Soleil tournait autour. Les Autorités enseignaient qu’il en était bien ainsi. L’audace de Copernic, de Galilée… affirma le contraire. Celui-ci fut condamné, les livres de Copernic mis à l’index, mais ils avaient raison.

« Dans le domaine qui nous occupe, la situation est analogue. L’opinion universelle enseigne que ce qui se fait est ce qu’il faut faire, et que le mode de reproduction que l’homme a choisi pour sa propre espèce est assurément le seul possible et le seul valable.

« Et lorsque Dieu envoie son Fils dans le monde, il choisit, contrairement au sens commun, la parthénogenèse. Si le sens commun errait sur les Planètes, il n’y a aucune raison de croire qu’il ait raison quand il s’agit de l’homme lui-même. L’échec est évident : difformités congénitales, prolifération anarchique, peuples affamés, masses illettrées, homicide systématique et scientifique, désespoir et corruption. Et si tout cela provenait de L’IGNORANCE générale d’une LOI SACRÉE et BIOLOGIQUE spécifique de la nature humaine, transgressée depuis des temps immémoriaux ? Si la découverte de cette LOI, par la Foi totale, apportait la vie impérissable, objet des promesses de Dieu ? Si c’était là, la pensée même de l’Epître aux Romains, qui demeure comme une énigme insupportable, porteuse d’une indicible espérance ?

Je pensais alors que cette préface aurait une incidence de premier ordre pour amener ceux qui en prendrait connaissance à une conversion radicale en faveur de la Révélation divine en vue de leur Salut, c’est-à-dire de leur pleine santé jusqu’à leur enlèvement dans la gloire. Je m’illusionnais beaucoup sur les capacité de mes lecteurs. Les très hauts membres de la Hiérarchie Ecclésiastique auxquels elle fut communiquée, surpris, sans doute, par la pensée que la foi véritable pouvait amener sur la Terre le Royaume de Dieu, gardèrent un prudent silence. Mais puisque la génération charnelle, dont ils sont issus eux aussi, porte de jour en jour des fruits plus désastreux, cette préface prend un relief encore plus saisissant. C’est pourquoi il convient de la maintenir intégralement dans toute sa force.

A vrai dire, les grandes lois qui régissent les phénomènes les plus généraux de l’Univers sont simples : telles la loi de la Gravitation, les lois de Planck sur la matière et la lumière, l’Equation d’Einstein etc… et toute la gloire des chercheurs consiste à les découvrir et à les formuler en termes intelligibles. Pourquoi notre Créateur très sage n’aurait-il pas proposé à sa créature de prédilection une loi spécifique très simple, capable de l’arracher entièrement au processus du hasard et au glissement fatal de l’entropie ? Si cette loi consistait tout simplement à sanctifier le Nom du Père, en lui réservant l’initiative de la vie, dans ce sanctuaire vivant non fait de main d’homme qu’est l’Utérus de la femme créée vierge ?

Un tel acte de foi n’a pas été posé, que je sache, dans l’Eglise, ni hors de l’Eglise, depuis les Apôtres et les premiers Martyrs. Certes, il y eut des saints et des saintes qui, engagés dans un légitime mariage, ont gardé la sainte virginité. A ce titre, ils nous ont montré la voie qui mène à la vie, mais ils sont restés sur le seuil de la porte étroite (Mt.7/13-14). Il leur a manqué cette audace, cependant toute simple, de l’acte de foi marial premier : Celui qui a fait le Ciel et la Terre peut par son Esprit Créateur, susciter la vie directement dans le sein d’une épouse vierge. Ils n’ont pu surmonter les réflexes de la honte pour vivre sacramentellement le Cantique des Cantiques. Certes ils ont refusé de faire de leurs membres les instruments d’une reproduction vouée à la mort ; mais ils n’ont pas osé en faire les instruments d’une sanctification aboutissant à la vie impérissable (Rom.6/13-19).

Quoi donc ? Dieu suscita les Patriarches et certains Prophètes dans le sein de femmes stériles et avancées en âge : n’est-ce pas là un enseignement direct et concret sur la génération ? C’est le signe même que l’Ange Gabriel donne à Marie, lorsqu’il la confirme dans sa foi, en lui faisant connaître la maternité hors de saison d’Elisabeth sa parente : « Aucune parole, lui dit-il, n’est impossible à Dieu ».

Mais pour que cette parole toute puissante produise un fruit de vie impérissable, il faut qu’elle vienne germer et grandir en une femme qui lui donne son plein assentiment : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » ; une femme qui soit unie par un lien d’amour virginal à un homme qui reproduise l’adoration en Esprit et en Vérité que rendit Saint Joseph à Dieu le Père.

Note : Le lecteur désireux d’approfondir l’Epître aux Romains, pourra avantageusement consulter le Commentaire du Père Lagrange (Edition Gabalda), qui lui donnera tous les renseignements exégétiques et bibliographiques désirables. Certes le Père Lagrange ne tire pas de son étude les conclusions auxquelles nous sommes amenés par notre travail en vue de la rectification de la génération humaine. Sinon, ce dernier eût été inutile. Mais il nous montre avec évidence que les difficultés célèbres de cette épître n’ont pas été résolues par les savants qui l’ont précédé, et lui-même, la plupart du temps, refuse de trancher entre des opinions divergentes. Inversement ces difficultés trouvent toutes leur solution, dans le plus grand respect du texte sacré, si l’on tire de la Filiation Divine de Jésus en notre nature humaine les conclusions pratiques qui en découlent logiquement.