1945-1978… Trente-trois ans que je suis prêtre!…
L’âge du Christ Jésus sur la terre.
Introduction
Je me souviens avoir fait imprimer, au verso des images commémoratives de mon ordination sacerdotale, la parole de Jean 17/3: “La vie éternelle, Père, c’est qu’ils te connaissent, toi, et Celui que tu as envoyé, Jésus-Christ”. Peut-on vraiment connaître Jésus et le Père dans l’Esprit, en trente-trois ans, pour obtenir cette Vie Eternelle, cette vie impérissable?
A cet âge, Jésus avait “accompli toute l’oeuvre que le Père lui avait donnée à faire” (Jean 17/4). Il avait atteint la plénitude “tout fils qu’il était il avait été éprouvé” (Hb. 5/7-9). Et ayant ainsi atteint la perfection au milieu même de ses souffrances, il ressuscita d’entre les morts, comme preuve éclatante de sa parfaite justice. Depuis, il est dans la gloire incorruptible.
Pour moi, après 57 ans de vie terrestre dont 33 ans de Sacerdoce, je commence tout juste à me rendre compte de ce Don que Dieu m’a fait en m’appelant à participer au Sacerdoce de son Fils, Sacerdoce qui est “selon l’Ordre de Melchisédech”. “Si tu savais le Don de Dieu…” (Jean 4/10). Il m’arrive maintenant, au milieu même de mes épreuves, de ressentir d’une manière presque permanente cette “plénitude de joie”, que le Seigneur demanda à son Père pour ses disciples (Jn. 17/13). Ainsi, je voudrais en faire part à ceux et celles qui me liront.
“Tu es Sacerdos in aeternum…
“Secundum ordinem Melchisédech”. (Psaume 110/4).
La Vulgate a traduit par “ordinem” le mot hébreu DBRi, qui signifie “paroles”. Le pluriel de DBR, pluriel de majesté, qui signifie “Les paroles mémorables de Melchisédech”. Ces paroles étaient-elles encore connues, par quelque tradition aujourd’hui perdue, lorsque David chanta cet oracle étonnant du Psaume 110, dans lequel il annonce que le Messie, son fils, porterait le Nom de Seigneur? Je ne sais. Existe-t-il dans le Talmud quelque trace de ces “paroles mémorables” que Melchisédech échangea avec Abraham? Je voudrais bien le savoir. Ce que nous savons, nous, chrétiens, de Melchisédech et de ses paroles, de son “Ordre”, est inclus dans quelques versets du chapitre 14 de la Genèse. Ils seraient restés impénétrables sans le commentaire que nous en a laissé l’Epître aux Hébreux (Ch. 5/9 s. et 7).
Ce verset du Psaume 110, “Tu es prêtre selon l’Ordre de Melchisédech” est chanté dans la Messe “Sacerdotes Dei”, d’un Confesseur Pontife. L’Église pense donc que l’homme ordonné prêtre par son ministère est investi par grâce du même Sacerdoce que le Christ. Mais nous dit-elle le fond de sa pensée? Nous explique-t-elle ce que signifie ce mot “Ordre” de Melchisédech, ce prêtre du Très-Haut, Roi de Justice et de Paix qui bénit Abraham? Nous dit-elle expressément pourquoi Jésus, le Messie, le Sauveur, fut prêtre selon l’Ordre de Melchisédech, et non suivant l’ordre d’Aaron?
“C’est celui qui fait la vérité qui vient à la lumière” (Jean 3/21). Cela signifie que c’est en vivant le Mystère de la Foi qu’on le comprend de mieux en mieux. A vrai dire, lorsque je reçus l’Ordination Sacerdotale, je n’avais qu’une conscience très confuse de cet engagement dans l’Ordre de Melchisédech, dont la cléricature ne pouvait me donner qu’une idée fort approximative, et même caricaturale. J’ai du faire un sérieux travail de discernement pour découvrir, afin d’y rester fidèle, le Mystère de cet Ordre, à la fois très nouveau et très ancien. Très ancien puisqu’il est antérieur à Abraham, très nouveau, puisque la vie humaine n’est pas encore ordonnée suivant la justice et la Paix du Christ, souverain prêtre. C’est bon de savoir où l’on en est et où l’on va. J’aimerais que beaucoup le sachent avec moi et mieux que moi. Ils en auraient plus de courage. S’ils sont prêtres, ils en seront plus heureux; s’ils ne le sont pas, ils désireront le devenir.
Il est impossible de parler du Sacerdoce sans le rattacher à l’ensemble de la Révélation, sans l’enraciner dans le Geste de Dieu, tout au long de l’Histoire, sans en découvrir les aboutissements au terme de l’Espérance chrétienne.
C’est pourquoi ce petit livre qui veut traiter du Sacerdoce répondra aussi aux vraies questions que pose à toute conscience d’homme droit et sérieux, le drame de la destinée humaine encore soumise aux sentences de condamnation du chapitre 3 de la Genèse, alors que le Sauveur est venu déjà depuis près de deux mille ans! Ce “Royaume de Dieu” que l’on dit “proche”, pourquoi reste-t-il pratiquement inaccessible? Ne serait-ce pas parce que l’on ignore cet “Ordre de Melchisédech”? Et si cet Ordre advient, alors, ne sortirons-nous pas du désordre du péché et de la mort?…
Le 8 avril 1978